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Commentaire de l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 8 Octobre 2014

Par   •  24 Janvier 2018  •  2 886 Mots (12 Pages)  •  703 Vues

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à titre disciplinaire.

Il est intéressant de rappeler que l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur ne fait pas l’objet d’un contrôle a priori mais que le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour obtenir l’annulation ou des dommages et intérêts, c’est en tout cas ce que préconise l’article L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail. Lors d’un tel contrôle, les juges apprécient dans un premier temps la régularité de la procédure suivie, puis si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction : il y a donc examen de l’existence des faits, contrôle de la qualification de faute et aussi appréciation de la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute commise. Selon un arrêt du 23 octobre 1991 de la chambre sociale de la Cour de cassation, le juge doit rechercher si le motif invoqué par l’employeur présente un caractère réel et sérieux pour prononcer le licenciement.

Ainsi l’employeur use de son pouvoir disciplinaire quand il prend une mesure à l’encontre d’un salarié à raison d’un comportement qu’il considère comme fautif. Cependant, dans l’exercice de ce pouvoir, il se peut que l’employeur ait préalablement recours à ce que l’on appelle une mesure conservatoire. Il est donc nécessaire de pouvoir faire la distinction entre les mesures qui relèvent du pouvoir disciplinaire de l’employeur de celles qui relèvent de son pouvoir de direction.

B. La qualification de mesure conservatoire

En l’espèce, suite à la faute constaté par l’employeur, le salarié a été affecté à un poste de conducteur « volant », non affecté à une ligne en particulier et sans horaires fixes. Il a alors subi un changement d’affectation avant la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire.

L’assemblée plénière de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 janvier 2012 s’était déjà prononcée sur la nature d’un retrait d’habilitation à l’encontre d’un salarié et avait précisé si il constituait une simple mesure de gestion du personnel, relevant du pouvoir de direction de l’employeur ou alors une sanction disciplinaire. Cette question est de nouveau reprise dans l’arrêt du 8 Octobre 2014. En effet, la problématique de cet arrêt est avant tout de savoir, si le changement d’affectation décidé en premier lieu est de nature disciplinaire et donc épuise le pouvoir disciplinaire ou bien si il est de nature conservatoire c’est à dire issus du pouvoir de direction que possède tout employeur et qui n’épuise pas le pouvoir disciplinaire en cas de faute mais l’appuie.

Tout d’abord, le pouvoir de gestion de l’employeur a été reconnu par un arrêt « Brinon » de la chambre sociale du 31 mai 1956, en ces termes : « L’employeur qui porte la responsabilité de l’entreprise est seul juge de ses choix de gestion ». Dans le cadre de la relation avec les salariés, la spécificité du contrat de travail, qui est de mettre le salarié sous la subordination juridique de son employeur, conditionne l’existence du pouvoir de direction attribué à l’employeur. Il va ainsi pouvoir donner des ordres et des directives aux salariés, mais également apprécier le travail de ceux-ci, évaluer leurs compétences ou encore promouvoir tel ou tel salarié. Et c’est donc l’existence d’un tel pouvoir qui va permettre à l’employeur d’utiliser une mesure conservatoire à l’encontre d’un salarié, si il l’estime nécessaire pour la bonne gestion de son entreprise.

Une mesure est dite conservatoire lorsqu’elle est prise dans l’attente du prononcé d’une sanction. Si il s’agit le plus souvent d’une mise à pied, l’employeur peut toutefois décider de rétrograder provisoirement un salarié ou de le changer d’affectation. C’est en tout cas ce qu’a précisé la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 20 décembre 2006. Elle a également considéré qu’une rétrogradation à titre conservatoire ne pouvait être admise que pour des faits graves.

Cependant, une même mesure peut être qualifiée dans un cas de mesure disciplinaire alors que dans un autre elle sera conservatoire. L’enjeu est donc de pouvoir discerner selon l’espèce la nature de la mesure prise à l’encontre d’un salarié. Cette distinction est primordiale puisqu’une mesure disciplinaire va épuiser la pouvoir disciplinaire de l’employeur alors qu’une mesure conservatoire n’est qu’une mesure prise dans l’attente de l’exercice de ce pouvoir disciplinaire, et donc il sera toujours possible à l’employeur de prononcer une sanction disciplinaire après cette mesure conservatoire. D’ailleurs, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé, dans l’arrêt du 19 juin 2002, qu’une mesure conservatoire devait être prise concomitamment au déclenchement de la procédure disciplinaire et faire référence à l’éventualité d’une sanction. En l’espèce, l’employeur a décidé de changer d’affectation le salarié en attendant le prononcé d’une sanction disciplinaire car il a estimé que la faute commise par le salarié était trop grave pour le conserver à son poste actuel, elle serait donc ici une mesure conservatoire et non pas une mesure disciplinaire comme le soutient le salarié licencié.

Ainsi, à l’inverse d’une mesure disciplinaire prononcée pour sanctionner les faits fautifs d’un salarié, la mesure conservatoire n’épuise pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur, et peut donc préalablement être mise en œuvre si l’employeur l’estime nécessaire de façon provisoire, c’est à dire dans l’attente du prononcé de la sanction.

II. Le caractère nécessaire et provisoire du changement d’affectation

En l’espèce, la mesure prise par l’employeur ne constituerait qu’un changement provisoire n’emportant pas modification du contrat de travail (A) qui serait en outre légitimée par un soucis de sécurité (B).

A. Une mesure provisoire…

En l’espèce, les juges ont constaté que la mesure était une mesure provisoire qui n’était pas de nature à apporter une modification du contrat de travail mais qu’elle constituait seulement une modification des conditions de travail. En effet, le changement d’affectation décidé par l’employeur a été instauré dans l’attente de l’engagement d’une procédure disciplinaire, qu’il a débuté quelques jours après.

Dans un arrêt du 10 octobre 2000, la cour de cassation a estimé qu’il fallait distinguer la modification du contrat de travail qui requiert

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