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Commentaire d’arrêt : Civ. 2ème, 28 janvier 1954, n°54-07081

Par   •  17 Septembre 2018  •  1 894 Mots (8 Pages)  •  1 866 Vues

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que c’est la théorie de la fiction qui prévalait : s’agissant des groupements, c’est par une fiction juridique que le législateur leur accordait à son gré cette personnalité de façon expresse et exclusive. Cad que seuls les groupements visés par les textes de lois et remplissant les conditions déterminées par ceux-ci, pouvaient bénéficier de cette personnalité.

*Avec la solution rendue par la 2è chambre civile en 1954, on est passé de manière effective à la théorie de la réalité technique. Cet arrêt marque une étape importante dans l’évolution de la jurisprudence.

La théorie de la réalité vise des entités suffisamment réelles pour être considérées comme des sujets de droit et bénéficier des droits conférés par la reconnaissance de la personnalité morale.

C’est à dire que le groupement constitue une réalité et ne dépend pas de la volonté expresse du législateur, mais s’impose à lui. Le groupement permet de faire valoir un intérêt collectif de plusieurs personnes, (ses membres), ce qui permet de lui donner une véritable existence, donc de lui reconnaître la personnalité morale.

Autrement dit, cet arrêt constitue un revirement de jurisprudence en matière de personnalité civile des groupements.

II -Une solution favorable en demi-teinte aux comités d’établissements

A-L’omniprésence de la volonté du législateur dans l’attribution de la personnalité morale

Solution « moralement » compréhensible à l’époque : dans un contexte réactionnel aux pratiques de l’Ancien Régime et une méfiance envers les groupements qui avaient remis en cause l’autorité de l’Etat et étroitement limité la liberté individuelle. Pourtant l’individualisme ne pouvait être poussé à l’extrême et l’on ne pouvait méconnaître l’existence d’intérêts collectifs de façon absolue et durable.

Néanmoins, juridiquement, la solution peut-être critiquable. Les textes reconnaissaient expressément la personnalité aux comités d’entreprises, mais rien n’était prévu pour les comités d’établissements. Doctrine et jurisprudence déduisaient de ce silence de la loi que ces comités d’établissements ne pouvaient avoir une personnalité juridique.

La Cour de cassation consacre l’opinion inverse avec cet arrêt de 1954, fondé d’une part sur la théorie de la réalité technique (« possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes d’être juridiquement reconnus et protégés ») et non de la réalité psychosociologique (théorie trop subjective, dépendant de la conception de chacun de ce qu’est la réalité).

D’autre part, il est possible de relever que la position de la Cour de cassation est moins tranchée que ce qu’elle n’y paraît. A priori, on pourrait en déduire qu’un groupement peut être doté de la personnalité sans que le législateur ne l’ait expressément affirmé.

Néanmoins, l’arrêt rattache la personnalité morale à la volonté du législateur, volonté même implicite. En effet, l’arrêt réserve au profit du législateur le pouvoir « de priver de la personnalité civile telle catégorie de groupements », et ajoute que le législateur « en reconnaît au contraire implicitement mais nécessairement l’existence en faveur d’organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d’être déduits en justice ».

Ici, la Cour de cassation visait les articles 1er et 21 de l’ordonnance législative de 1945 en remarquant que ces textes avaient chargé les comités d’établissements de la gestion d’intérêts collectifs en leur donnant les mêmes attributions qu’aux comités d’entreprises, ce qui engendrait selon elle une reconnaissance de la personnalité du comité d’établissement.

Qu’en est-il du « seuil » de réalité suffisante de l’entité pour déterminer si ce groupement peut être titulaire de la personnalité morale ou non ?

Ce seuil apparaît de façon incertaine pour les justiciables, alors qu’en découle un « faisceau de conséquences » que les personnes agissant en commun peuvent vouloir éviter (TERRE et LEQUETTE, Grands arrêts de la JP civile). Ainsi, in fine, la consécration de la théorie de la réalité n’exclut pas nécessairement l’intervention du législateur.

D’ailleurs, la CJCE avait pu décider, dans un arrêt du 27/09/1988 que les entités créées en vertu d’un ordre juridique national « n’ont d’existence qu’à travers les différentes législations nationales qui en déterminent la constitution et le fonctionnement ».

B-Un arrêt fondateur dans la reconnaissance de la personnalité civile des groupements

Plusieurs jurisprudences postérieures à cet arrêt de 1954 ont pu reconnaître la personnalité morale à certains groupements de personnes.

Ainsi en est-il des arrêts de la Chambre commerciale des 17/01/1956 et 16/03/1965  reconnaissant la personnalité juridique de la masse des créanciers de la faillite, alors qu’aucun texte de loi ne prévoyait cette personnalité.

Néanmoins, la Cour ne se prononçait que rarement sur les motifs de la reconnaissance : réalité d’intérêts collectifs ou volonté implicite du législateur dégagée des textes ?

Il n’est pas douteux que quelques incertitudes ont pu subsister, alimentées par le fait que le législateur prend souvent le soin d’affirmer voire d’écarter la personnalité morale.

Restent tout de même les cas dans lesquels la loi reste muette sur le sujet. Dans ce cas, l’arrêt du 28 janvier 1954 conserve toute sa portée, puisqu’il est l’arrêt fondateur.

D’ailleurs, cette position a été confortée par la suite :

Arrêt Chambre sociale, 22/03/1979 : refus de reconnaître la personnalité morale des sections syndicales d’entreprise ;

Arrêt Chambre sociale, 23/01/1990 : reconnaissance de la personnalité des comités de groupe institués par les articles L. 439-1 et suivants du Code du travail, au motif que ces comités « sont dotés d’une possibilité d’expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge et possèdent donc la personnalité civile qui leur permet d’ester en justice » ;

Arrêt du 16/12/2008 : « La reconnaissance conventionnelle ou judiciaire d’une unité économique et sociale entre des entités juridiques distinctes, ayant des activités complémentaires

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