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L’ organisation à la japonaise: ses sources de succès et sa transférabilité à l’extérieur du Japon

Par   •  13 Février 2018  •  8 092 Mots (33 Pages)  •  520 Vues

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On se demande aujourd’hui si les techniques de gestion importées des États-Unis peuvent être réexportées avec succès vers ce pays et, de fait, nombre d’entreprises nord-américaines tentent de le faire. On peut toutefois se demander si les innovations sociales japonaises émanent de la culture nippone ou de la structuration de la relation d’emploi autour d’un type spécifique de marché interne du travail? La question reste posée.

2. L’organisation du travail

Plusieurs expliquent le succès des firmes japonaises essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, par le rendement supérieur de la « production allégée » (lean production). L’organisation de la production est allégée par le système « juste-à-temps » qui minimise la constitution de stocks et par le caractère élagué des structures hiérarchiques, qui sont aplanies le plus possible. Le juste-à-temps permet bien sûr d’économiser sur les coûts d’inventaire et d’entreposage des pièces, ce qui n’est pas négligeable au Japon, et surtout à Tokyo. Toutefois, la clé essentielle du système réside dans un concept différent de la qualité et dans une organisation du travail qui la soutient. Certaines caractéristiques de l’organisation du travail découlent de ce système dont les principes directeurs peuvent se résumer par les termes « qualité totale » et « participation ».

Le concept de qualité totale implique en général pour les Japonais de produire de manière à satisfaire tant les clients internes de l’entreprise que les clients externes. La qualité n’est pas mesurée de manière absolue mais relativement aux besoins des consommateurs (Lillrank et Kano, 1989 : 32). La satisfaction des clients internes concerne la qualité du travail transmis d’un poste de travail à un autre. Dans une optique de qualité totale, la qualité imparfaite des produits implique des coûts substantiels pour l’entreprise. Les processus de production doivent être constamment améliorés pour diminuer les défauts et augmenter l’efficacité des processus.

Le système juste-à-temps élimine les stocks tampons de pièces entre les postes de travail et cela a pour effet de révéler de façon immédiate les problèmes de qualité ou autres qui se posent (Sako, 1993 : 87) puisqu’il n’y a pas de substitut aux pièces défectueuses et qu’il n’y a généralement pas de sections de travail pour le réusinage. Dans l’entreprise japonaise, la résolution de ces problèmes n’est pas confiée à un groupe de techniciens chargés des contrôles de qualité ni à un groupe de mécaniciens chargés de l’entretien, mais elle repose sur la participation des employés à ces tâches. Le respect des normes de qualité et l’entretien normal de la machinerie sont des tâches dévolues aux employés situés le plus près de la source des problèmes. Une plus grande productivité est ainsi obtenue par l’élimination des contrôles en fin de processus, par un moins grand besoin de réparation, par un bon entretien préventif des machines et par l’amélioration continue des processus (Sako, 1993 : 87). Ainsi, la polyvalence des travailleurs permet à ceux-ci de détecter les défauts et d’y apporter les correctifs nécessaires.

L’organisation du travail est ainsi fortement dépendante des compétences et de la responsabilisation des employés. Ces compétences acquises au sein des équipes de travail, où la rotation a permis d’acquérir la polyvalence nécessaire pour pouvoir se remplacer aisément sur un poste de travail, constituent un ingrédient substantiel de la flexibilité organisationnelle de l’entreprise japonaise (Kenney et Florida, 1993).

L’absence de définition précise des postes de travail favorise la constitution de ces équipes de travail qui effectuent avec diligence des tâches dites connexes comme les inspections de la qualité, les petites réparations en cours de production, de même que des activités d’entretien de l’usine et de commande de pièces. Les employés organisés en équipe gagnent en vitesse de communication, minimisant ainsi les coûts associés à l’intégration ou aux fréquents changements de partenaires dans un travail spécialisé. Le travail en équipe favorise de plus la satisfaction au travail en privilégiant les liens d’amitié avec les collègues, ce qui en retour est favorable aux communications informelles et à la rapidité d’adaptation, des éléments importants pour une plus grande productivité. Presque toutes les entreprises japonaises ont adopté la rotation des tâches (Nakamura et Nitta, 1995).

En bref, l’organisation du travail dans l’entreprise japonaise fait participer les employés à la gestion de la production en permettant de développer davantage la qualification professionnelle nécessaire pour ce faire. Les contrôles de qualité effectués par les travailleurs eux-mêmes demandent des connaissances et des responsabilités plus vastes et permettent d’accroître la qualification professionnelle des salariés. Ayant des employés moins spécialisés mais polyvalents, les entreprises sont moins touchées par l’absentéisme et peuvent donc compter sur une continuité de la production.

La production allégée a été conçue par l’ingénieur Ohno de Toyota pour organiser le flux des pièces au sein de l’usine; elle est en fait inspirée des supermarchés américains. Le concept visait à regrouper l’ensemble des fournisseurs en une organisation, en imposant à ceux-ci des moments de livraison correspondant à l’étape de production précédant immédiatement celle où les pièces étaient nécessaires. La demande des clients tant internes à l’entreprise que celle des consommateurs finaux est ainsi satisfaite « juste à temps ». Comparativement à la chaîne fordienne classique qui se limite à l’usine ou à l’établissement même, la « machine » japonaise (Womack et al., 1992) comprend un réseau serré de sous-traitance (Coriat, 1991). Le juste-à-temps comporte ainsi un élément externe et un élément interne.

2.1 Le concept du juste-à-temps

Le concept du juste-à-temps chez Toyota part de l’idée qu’il faut minimiser les opérations improductives, celles qui n’ajoutent pas de valeur à un produit, et ainsi réduire le temps qui s’écoule entre la production et l’achat. Ce temps représente des dépenses en capital parfois importantes et l’élimination de celui-ci permettrait d’abaisser le prix du produit final. Le système prévoit la livraison des pièces à l’usine Toyota « juste à temps » pour leur assemblage. Les livraisons se font selon un horaire préétabli, parfois deux fois par jour, et

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