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Quatrevingt-treize - Hugo et Le conte de deux cités - Dickens.

Par   •  19 Novembre 2017  •  4 361 Mots (18 Pages)  •  596 Vues

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Si le récit factuel est inexistant, Dickens le remplace par des références documentaires dont il est proche : le prologue théâtralisé utilise ainsi des « moyens populaires et pittoresques » qui lui sont bien connus. Effectivement, Dickens est un passionné de la scène et un grand ami du célèbre Wilkie Collins, avec qui il partage beaucoup. Le ton qu’il utilise pour ce passage est exagéré et rappel l’emphase comique des comédiens : le parallélisme grotesque qu’il dépeint entre les deux monarchies lui permet d’instaurer directement ses ambitions démocrates.

Le pastiche est aussi très apprécié de Dickens, qui n’hésite pas à jouer avec les codes du romance : « C’était en l’an de grâce 1775. » (p. 25). Dans son deuxième chapitre, beaucoup de genre sont évoqués de cette façon : on peut y voir le pastiche du roman d’aventure, par l’environnement mystérieux et le contexte du banditisme de grand chemin, celui du roman gothique, par des motifs nocturnes et surnaturels qu’il désamorce par le comique grotesque du personnage de Jerry Cruncher, ou encore celui du récit à énigme par la non identification des personnages présents, que se soit par leurs caractéristiques sociales comme le voudrait le réalisme, ou par leurs patronymes, ainsi que la mise en place du leitmotiv de la résurrection, où plane le doute. Dickens ne fait pas d’emblée de son récit un roman historique, mais l’incorpore à d’autres genres à succès.

Il utilise aussi le registre du conte dans ce qu’il a de populaire, notamment par les images marquantes du Bûcheron et de la Fermière, respectivement le Destin et la Mort, qui complèteront l’idée d’une fatalité violente : le bois de la guillotine et les roues des tombereaux sont déjà prêts en 1775, et attendent leur moment pour se dévoiler.

Un autre de ces moyens populaires est celui de la caricature, que l’on retrouve par le principe de réduction des figures royales, qu’il désindividualise par des stéréotypes comiques et frivoles.

Il emprunte aussi beaucoup à Thomas Carlyle, écrivain anglais qui publie en 1837 The French Revolution. L’œuvre inspirera énormément Dickens, qui lui rendra hommage à sa manière en popularisant sa philosophie de l’Histoire : celle-ci est marquée par un pessimisme due à la religion protestante et au puritanisme de l’époque. Bien qu’il la traite d’une manière différente d’Hugo, Dickens développe la notion d’anankè, que Carlyle dénonce. Cette fatalité violente est expliquée par Dickens via les images de la faim et de la vengeance du peuple sur l’aristocratie inconsciente de ses iniquités : seuls des individus héroïques ou isolés, de grands hommes, peuvent maintenir une quelconque forme d’autorité dans un cadre anarchique appelant à la dérive des passions. L’on reconnait déjà ici l’ambition de Dickens de présenter l’homme et sa nature par la légende.

Le roman historique suppose bien un paradoxe, puisqu’il propose par la fiction de décrire une vérité historique. Le paradoxe, du grec paradoxos, se traduit comme ce qui est « contraire à l’opinion commune » : il s’agit donc pour ce genre romanesque de proposer une vision novatrice de l’Histoire. Nos deux romanciers choisissent d’utiliser la notion de légende comme art du « mentir-vrai ».

Hugo, comme nous l’avons vu, décrit la mère Fléchard avec ce réalisme balzacien qui caractérise les personnages par leur rang social, et qui se définit, pour cette femme, par son état bestial. Mais, par cette figure, l’auteur nous livre aussi toute la condition des paysans vendéens de 1793, tout en la préparant à son idéologie idéaliste : Michelle Fléchard est déjà au début du roman une mater dolorosa, qui, après avoir tout perdu, vit pour ses enfants comme une louve pour sa portée. Hugo veut, par ses personnages réalistes, dépeindre une vérité légendaire par laquelle le lecteur pourrait entrevoir une porte vers la nature humaine. Gauvain, lui, représente l’idéal républicain, la clémence si peu présente de son époque, et incarne un personnage de théorie, loin de toutes description physique. Le personnage de Lantenac image encore mieux l’ambition d’Hugo : il représente une réalité aristocratique historique, un leader dans ses idées politiques, tout en étant un idéal de vertus humaines par son sacrifice dans l’épisode de la Tourgue.

Pour son deuxième livre intitulé « La corvette Claymore », Hugo place directement l’action de ce début de roman en mer, lieu type de l’épopée depuis l’Odyssée d’Homère. Le thème de la tempête est récurrent dans ce type de récit, qui permet d’utiliser des figures de styles telles que l’anaphore, la métaphore, la comparaison ou l’hyperbole : « Un navire qui fait une traversée est une armée qui livre bataille. » (p.71). Le genre de l’épopée est un genre hybride, associant depuis toujours la légende d’un guerrier ou d’un peuple à l’histoire d’une civilisation. On peut aussi lui associer le mythe, qu’Hugo utilise, notamment dans ses références aux trois juges des enfers pour les trois révolutionnaires que sont Marat, Danton et Robespierre : le chapitre un du deuxième livre de la deuxième partie intitulé : « Minos, Éaque et Rhadamanthe ». Plusieurs références sont récurrentes dans le roman, telles que les péripéties de héros grecs de l’Iliade ou la descente infernale de Dante de la Divine Comédie.

On remarque aussi le glissement d’un narrateur impersonnel tel qu’on en retrouve dans les romans historiques, à un narrateur impliqué affectivement. On note cette phrase à la fin du chapitre quatre du premier livre de la troisième partie : « Cette guerre, mon père l’a faite, j’en puis parler. » (p.240). C’est bien plus qu’une simple justification pour l’auteur, qui semble ici exprimer toute la relation entre l’homme individu et la guerre historique qui touche la nation entière.

Dans le 1er livre de sa troisième partie, Hugo décrit le réel des forêts bretonnes et tend au merveilleux par l’évocation de Brocéliande : on constate à cet instant que les faits sont momentanés mais que les légendes sont éternels. « La forêt de Brocéliande qui était aux fées » (p.231), comme le signale Hugo, l’est toujours. Ainsi, ce qui fait la nature de l’homme s’inscrit et dans la légende, et dans les faits réels ; c’est un tout : « La Vendée ne peut être complètement expliquée que si la légende complète l’histoire ; il faut l’histoire pour l’ensemble et la légende pour le détail. » (p.232).

La présence du mélodrame n’échappe pas à la construction de la légende. Cette esthétique particulière

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