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"Prochain épisode" - Hubert AQUIN.

Par   •  7 Juin 2018  •  36 087 Mots (145 Pages)  •  565 Vues

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À l’Institut, le prisonnier «dérape dans les lacets du souvenir» comme, en Suisse, l’espion ne cessa de déraper avec sa Volvo, en étant à la recherche de von Ryndt, rassuré par «le poids de [son] Colt 38 automatique». À l’Institut, «cet enclos irrespirable peuplé de fantômes», le prisonnier a du mal avec les mots et les phrases, comme, en Suisse, son «délégué de pouvoir» a du mal avec «la nappe fondamentale de [sa] double vie». Von Ryndt était devenu de Heutz, qui était «à bord d’une Opel bleue». L’espion arriva trop tard à Genève où l’historien venait de donner sa conférence.

On lui indiqua qu’il pouvait se trouver au Café du Globe. S’étant transformé en un «romaniste» cherchant H. de Heutz, ayant prévu qu’«en cas de gâchis», il rentrerait dans son personnage «de correspondant de la Canadian Press en Suisse», il écouta, en attendant de tuer H. de Heutz, une conversation sur l’impuissance de Balzac qui le fit l’imaginer «rêvant d’écrire l’’’Histoire des Treize’’». Mais il vit «deux silhouettes» monter dans l’Opel qu’il suivit dans sa Volvo. Il se rendit compte que H. de Heutz était avec une femme. Ils sortirent de la voiture pour marcher. Il les suivit encore, se demandant comment «mettre entre parenthèses à l’heure ‘’H’’» cette femme qui, toutefois, disparut alors que H. de Heutz «continua sa promenade» vers Carouge, toujours suivi de l’espion qui, «à l’instant où [il s’y attendait] le moins», reçut «un coup sec dans les reins et un autre, plus dur encore, d’aplomb sur la nuque», se sentit «manipulé par une grande quantité de mains habiles.»

Il se réveilla dans un lieu inconnu, où il remarqua «une grande armoire». Un «interlocuteur», «qui laissait pointer la crosse de son 45 hors de sa veste», se moqua de lui : «Alors on joue aux espions», ce qui le laissa incapable d’«élaborer une riposte éclair» que le prisonnier n’arrive pas plus, à l’Institut, «à souffler à [son] double», étant victime de la «catatonie nationale», «obsédé par [son] échec», ayant «le goût de pleurer». Aussi l’espion dut-il répondre aux questions qu’H. de Heutz lui posait, prétendre être déprimé, avoir «abandonné [sa] femme et [ses] deux enfants», et avoir cherché «un endroit désert… pour [se] suicider». Mais, braquant le revolver sur son visage, l’autre lui montra le «cryptogramme» d’Hamidou Diop. Or, profitant qu’H. de Heutz se décontractait, l’espion le frappa, s’empara de son arme, l’obligea à sortir, le fit marcher devant lui, le fit monter dans le coffre de l’Opel, la fit démarrer, roula pour sortir d’un village dont il constata qu’il s’appelle Échandens.

Même s’il conduisait «dans un état voisin de l’ivresse», il se sentait déprimé, car il ne savait pas comment tuer H. de Heutz. De retour à Genève, il prit conscience du danger. À l’Institut, le prisonnier est inondé par «le spleen», «la vie recluse marqu[ant] d’un coefficient de désespoir les mots qu’imprime [sa] mémoire cassée» ; sous le coup de «deux siècles de mélancolie et de trente-quatre ans d’impuissance», il se «dépersonnalise» ; il avoue qu’il n’écrivait que par amour pour K, qui se confond pour lui avec son «pays» ; il continue d’«agglutiner les mots» pour continuer leur «nuit d’amour».

«Le lendemain», il est toujours «anéanti par le spleen». Il regrette «un certain 24 juin» où lui et K firent l’amour en communion avec le peuple québécois. Mais, désormais, la femme aimée est perdue, la «révolution» est perdue. Cependant, il conserve encore l’espoir d’une réunion avec K, avec le pays, avec la révolution.

En Suisse, l’espion (qui a des comptes à rendre à un «Bureau») se rend à Coppet, mais ne sait que faire de De Heutz. Il se cache près du «château des Necker». Aucun bruit ne sort du coffre. À l’Institut, le prisonnier se souvient d’un coin de l’Outaouais où il envisage de s’installer «quand tout sera fini», d’y acheter une maison «en retrait de l’histoire» ; mais il craint de se pendre au pénitencier. Il exprime son désir du «pays retrouvé», qui est le «pays de [son] amour». Mais il a d’abord à faire face à une «comparution au Palais de Justice» où il devra se «disculper de l’obscuration suicidaire de tout un peuple». En Suisse, l’espion doit se «défaire de H. de Heutz», qu’il fait sortir du coffre. Il s’empare de ses papiers et de son argent ; le permis de conduire est au nom de François-Marc de Saugy, mais l’espion affirme savoir qu’il est de Heutz ou von Ryndt, qu’il a des comptes à rendre à «Montréal et Ottawa», qu’il collabore «avec la R.C.M.P. et sa grande sœur la C.I.A.» Mais l’autre prétend être «un grand malade», avoir une «femme» dont il s’est «sauvé», «deux enfants», cette «salade» attendrissante étant d’ailleurs analogue à celle que le Québécois lui avait racontée. De Heutz «éclate en sanglots», demande même d’être tué. L’espion s’efforce de résister à cette comédie, se demande s’il n’y a pas là un piège, se voit face à «l’impossibilité de communiquer autrement que sous forme de coups de feu», comme face au mystère de «cette noire trinité» que sont les noms de son adversaire. Il s’efforce aussi de résister à «l’attirance morbide qu’il exerce sur» lui, ne parvient pas à «faire feu sur lui», étant frappé «d’une indécision sacrée».

À l’Institut, le prisonnier souffre de l’absence de liberté, même dans l’écriture de son roman, l’«improvisation» plongeant «dans une forme atavique». Il constate : «Je n’écris pas, je suis écrit».

Sa prétendue invention n’est que souvenirs. Il constate qu’il n’y a pas d’originalité, pas de création. Mais il peut tout de même écrire, et même un roman d’espionnage. Il avoue : «Ce livre défait me ressemble», ressemble à sa vie de prisonnier qui attend «l’occasion de reprendre les armes». Son livre s’inscrit dans une «trame historique», même si le Québec n’a pas d’Histoire : elle ne commencera qu’avec «la guerre révolutionnaire».

Il affirme son espoir en la révolution, mais regrette d’être «un blessé» d’une guerre pas commencée. Il ne sait pas ce qu’il «adviendra de [ses] personnages», du cours de son livre. Il ressent un «vague à l’âme» provoqué par le souvenir d’«une dizaine de révolutions» qui tournèrent «à l’échec», par la perte de son «amour». Il ne sait comment reprendre le fil de son «histoire» avec elle, comme il ne sait où reprendre le fil de son roman. Condamné à une attente qui empêche l’action, l’espion fait

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