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Lecture analytique, Le Cageot

Par   •  30 Novembre 2018  •  1 854 Mots (8 Pages)  •  662 Vues

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voirie acquiert une beauté singulière, puisque chaque cageot « luit (…) de l’éclat sans vanité du bois blanc », comme autant de lucioles ou d’étoiles parsemant la chaussée.

Enfin, le cageot n’est pas une simple structure : il contient des « denrées fondantes ou nuageuses ». La périphrase utilisée pour désigner les fruits ou les pâtisseries que peut contenir le cageot enrichit la description de l’objet d’une dimension sensorielle : le poème ne mobilise pas seulement la vue mais également la sensibilité gustative du lecteur, amené à s’imaginer en train de faire fondre les « denrées » dans sa bouche.

Ces « denrées » semblent ici désigner une forme de nourriture rare et précieuse, et fait de ce cageot une sorte de malle au trésor emplie de richesses insoupçonnées.

B – Le cageot humanisé

Le cageot semble également acquérir un caractère proprement humain.

La structure du poème s’organise en effet autour d’une humanisation progressive du cageot :

♦ Il est d’abord désigné comme une « simple caissette vouée au transport », le participe passé soulignant ici sa passivité ;

♦ Il devient dans le second paragraphe sujet des verbes d’action (il « sert », il « dure ») ;

♦ Enfin, le dernier paragraphe du poème repose sur une personnification de l’objet : qualifié par l’adjectif « légèrement ahuri », il se dote ici de sentiments humains.

Humanisé, l’objet cesse d’être décrit de manière distancée et objective, il devient une réalité affective : « cet objet est en somme des plus sympathiques ».

L’objet banal et prosaïque devient touchant, l’adjectif « sympathique » (étymologiquement « souffrir ensemble ») révélant bien une communauté de sentiments entre l’homme et le cageot.

Transition : objet banal et familier, le cageot devient ici une réalité à la beauté insoupçonnée, qui s’anime d’une vie proprement humaine.

L’enjeu de la démarche poétique semble être alors de déceler ce que cet objet apparemment insignifiant a à nous dire de la condition humaine.

III – Une vanité ? Le cageot, symbole tragique

Le poème « Le cageot » fait songer à une vanité.

La vanité est une forme de peinture qui a dominé la période baroque de la première moitié du XVIIème siècle : une nature morte représentant des réalités quotidiennes (fruits, objets familiers, etc.) placés à côté d’une tête de mort, soulignant alors le caractère éphémère et périssable de toute chose.

« Le cageot » participe ici de cette esthétique, puisqu’il est avant tout caractérisé par la brièveté de son existence.

A – Une réalité inquiétante

Objet trivial et familier à première vue, le cageot fait pourtant l’objet d’une description parcourue de signes inquiétants.

Le jeu de mot qui ouvre le poème est en effet troublant : à partir de l’appréhension phonétique du mot, le poète rapproche le cageot de la « cage » et du « cachot ».

Au cœur de l’objet familier et fonctionnel s’ouvre alors un univers plus sombre, celui de l’emprisonnement, comme si toute réalité, même la plus triviale, contenait en elle sa face cachée, plus noire et plus inquiétante, le risque d’un enfermement.

De même, les fruits contenus par le cageot ne sont pas seulement d’agréables « denrées fondantes », ils comportent aussi un risque vital, celui de l’étouffement, puisque « de la moindre suffocation » ils peuvent faire « à coup sûr une maladie ».

B – Une dimension tragique

Le cageot acquiert alors une dimension tragique : il devient le signe du caractère éphémère de toute existence.

Le poème ne cesse de rappeler la brièveté de sa durée de vie : « il ne sert pas deux fois », il ne « dure » pas.

Le vocabulaire employé rappelle celui du registre tragique : le cageot est « voué au transport de ces fruits », comme s’il s’agissait là d’un destin inéluctable, il est soumis à un « sort ».

Le poème confère au cageot un statut singulier, entre sujet (qui devient presque humain) et objet (extrêmement passif, soumis à toutes les volontés, il peut « être brisé sans effort » ou « à la voirie jeté sans retour »).

Ce statut hybride incarne bien la fragilité de la vie humaine : doté de sentiments propres, le cageot est pourtant soumis aux caprices du sort et voué à disparaître. En ce sens, il joue ici le rôle d’un véritable memento mori (en latin : « souviens-toi que tu dois mourir »).

C – Tragédie et humour

On ne peut cependant se contenter de lire le texte que comme un constat tragique. Le poème « Le cageot » est en effet teinté d’humour.

Le texte s’achève ainsi sur une pointe comique, un jeu de mot léger. Lorsque le poète évoque « le sort » du cageot, sur lequel « il convient toutefois de ne pas s’appesantir longuement », il joue bien sur la polysémie (un terme polysémique est un terme qui a plusieurs sens) du verbe « s’appesantir », qui peut avoir un sens figuré (ne pas s’attarder sur un sujet) mais aussi un sens propre (ne pas peser de tout son poids sur le fragile cageot, prêt à céder à tout moment).

La dimension tragique se teinte alors d’une légèreté et d’un humour caractéristique du Parti pris des choses : l’objet insignifiant recèle un sens plus riche et plus profond que ce que l’on veut bien croire, mais il convient aussi de le traiter avec humour.

Conclusion :

Le poème « Le cageot » opère bien un renouvellement du regard propre à Ponge, dont la poésie cherche à réenchanter le monde muet des choses inanimées : objet familier et insignifiant, le cageot révèle une beauté insoupçonnée, et acquiert une dimension symbolique, puisqu’il devient le signe du caractère éphémère et périssable de toute réalité.

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