La littérature nous apprend-elle à vivre ?

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Même si l'on admet que la littérature nous instruit pour nous faire réfléchir, il faut toutefois convenir qu'elle a ses limites, dans la mesure où ce monde dans lequel elle nous invite, est imaginaire.

En effet, la littérature demeure un monde artificiel , inventé, organisé. Elle propose une vision faussée de la réalité. Ainsi, comment ce monde faux pourrait-il nous apprendre à vivre s'il n'est pas la transcription exacte de la vie ? D'après la préface de Pierre et Jean, de Maupassant, même le réalisme, mouvement objectif par excellence, propose une vision recomposée de la réalité. En effet, il est impossible pour un auteur de tout raconter. L'écrivain doit donc faire des choix. De surcroît, la vie étant un désordre perpétuel, tout peut advenir à n'importe quel moment. Or le romancier ne peut pas respecter le caractère hasardeux de la vie mais il doit l'ordonner. Enfin, dans la vie, il n' y a pas de rythme, rien n'est mis en perspective. Mais le romancier ne peut se plier à cela : il va créer un rythme, mettre des éléments en perspective. C'est pourquoi la thèse de Maupassant, mène à la conclusion que ''les réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des illusionnistes''. En outre , selon lui, il n'existe pas de réalité exacte car ''chacun de nous se fait simplement une illusion du monde''. Tout bien considéré, la réalité de la vie transcrit par la littérature n'est qu'illusoire car l'écrivain ne peut pas reproduire la vraie vie exactement telle qu'elle est. La citation de Stendhal évoquée précédemment est donc à nuancer car chacun a sa propre perception de la réalité.

Par ailleurs,ce monde fictif nous éloigne de la réalité pour un monde merveilleux plus fort, plus beau. On peut alors être déçu par la vie et en souffrir. C'est notamment le cas de Mme Bovary, personnage éponyme du roman de Flaubert, qui souffre du bovarysme. En effet, la jeune Emma qui passe son enfance dans un couvent, se réfugie dans la lecture afin de tromper son ennui, rêvant alors d'une vie aventureuse et romanesque. Par la suite, elle épouse un médecin, Charles Bovary, et donne naissance à une fille. En apparence, Emma a tout pour être heureuse. Pourtant, elle s’ennuie, elle est déçue car sa vie amoureuse ne correspond en rien à ses rêves de petite fille. Elle trouve son mari décevant, plat et ne manifeste aucun amour maternel pour sa fille Berthe. Ses lectures lui ayant donné des envies fantasques, la vie lui paraît d'une grande platitude. Elle va alors dépenser sans compter et entretenir plusieurs liaisons adultères pour assouvir cette avidité. Mais elle ne parvient néanmoins pas à retrouver dans la vraie vie le même monde merveilleux que les romans lui offrent. Elle est donc victime d'un perpétuel malheur, qui cause son suicide à la fin du livre. Ainsi, la littérature peut parfois constituer un monde dangereux, qui empêche de vivre. Le décalage entre la réalité et l'évasion vers un monde imaginaire que nous propose la littérature, peut éventuellement conduire à d'incessantes désillusions.

En conclusion, la littérature nous apprend à vivre en nous instruisant sur le monde et l'homme et en nous faisant vivre des expériences à travers un personnage. Toutefois, elle n'est qu'une illusion du monde réel car elle nous propose une vision erronée de la vie et peut ainsi nous décevoir, nous dévier de cette dernière. Mais, ne serait-ce pas finalement cette virtualité qui nous apprend à vivre ? En d'autres termes, la littérature ne nous permet-elle pas de mieux saisir la vie puisqu'elle nous fait prendre conscience de choses qu'on ne verrait pas par nous mêmes ? Ce paradoxe de la littérature est à mettre directement en relation avec la phrase de Proust : '' La vraie vie c'est la littérature''.

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