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La guerre dans Gargantua de Rabelais

Par   •  9 Octobre 2018  •  2 637 Mots (11 Pages)  •  1 212 Vues

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Rabelais dénonce, avec ce chapitre, l'ambition démesurée des tyrans dans leur conquête de richesses et de territoires. Ou, plus précisément, comme c'est le cas ici, des gouverneurs qui se servent d'un roi pour répondre à leur désir de puissance. Dans ce chapitre, Picrochole ne réfléchit pas, il est endoctriné et bercé d'illusions par les propos de sa cour.

- L’échec des négociations : Chapitre 30

Ayant appris que la querelle des fouaciers et des bergers était la cause de la guerre, Grandgousier décide de livrer des fouaces à Picrochole afin d'obtenir la paix. Gallet est chargé de cette mission. Il explique sa négociation : « Seigneur, pour supprimer tout prétexte de dispute et vous enlever toute excuse de ne pas revenir à notre alliance passée, nous vous rendons maintenant les fouaces qui sont l'objet du litige » p257. C'est maintenant les gens de Grandgousier qui sont excessifs, mais ils le sont par générosité : alors que leurs gens leur ont pris « cinq douzaine », qu'ils en ont en plus payées, ils en apportent « cinq charrettes ». Ces actions pacifistes ne font que provoquer des moqueries de la part de Toucquedillon, une fois revenu raconter cela à Picrochole: « Ces rustres ont grand peur. Par Dieu, Grandgousier se conchie, le pauvre buveur ! » p250. Il les insulte donc, et fait passer leur désir de paix pour de la couardise. L'effet comique est le fait que ce soit au contraire lui, Toucquedillon, qui se comporte comme un lâche et un malhonnête : « Je suis d'avis que nous gardons les fouaces et l'argent; pour le reste, hâtons-nous de nous retrancher ici, pour poursuivre nos succès. » p259. Il insinue que Grandgousier se moque de Picrochole et ne cherche qu'à lui tendre un piège : « ils croient donc avoir affaire à une dupe ? » ; « vous ont rendus à leurs yeux méprisable » p259. Toucquedillon manipule ainsi Picrochole avec des mensonges de sorte à renforcer sa haine envers Grandgousier.

Picrochole est donc un roi irréfléchi, impulsif, belliqueux, qui est manipulé par ses conseillers. Il est colérique; nous retrouvons cela dans son nom: « picros » signifiant amère et « cholos » signifiant bile. C'est un personnage mégalomane: ses ambitions sont démesurées. Ce furent les caractéristiques de Charles Quint, à qui Rabelais fait référence dans le chapitre 31 où les conseillers narrent les conquêtes imaginaires dont quelques-unes sont inspirées des siennes.

III/ Grandgousier et Gargantua, les princes humanistes

Dans la représentation de la guerre dans Gargantua, Rabelais fait preuve de pacifisme : l'armée de Grandgousier ne combat que dans l'objectif de ramener la paix, et seulement après avoir constaté l'échec des négociations avec Picrochole perdu dans la folie de son délire mégalomane. Il condamne l'agression de Picrochole déplore d'en être rendu à combattre contre « [son] ami, à qui [il] est lié depuis toujours pas le sang et la parenté » p237. Il dit d'ailleurs qu'il « n'entreprendr[a] point la guerre sans avoir exploré toutes les voies et moyens de la paix » p239. C'est ce qui fait de l'armée de Grandgousier l'armée des justes.

Rabelais considère donc qu'une guerre n'est valable que si elle est défensive, dans le but de protéger ses terres et les gens qui l'occupent d'une invasion : « secourir et protéger [ses] pauvres sujets […] car c'est par leur travail que je suis entretenu, et par leur sueur que je suis nourri » p237. Grandgousier fait appel à son fils Gargantua, et montre de nouveau cette volonté de pacification : « Mon intention n'est pas de provoquer, mais d'apaiser ; pas d'assaillir, mais de défendre ; pas de conquérir, mais de préserver les fidèles sujets et mes terres patrimoniales. » p241.

Gargantua intervient donc pour la première fois au gué de Vède, mais son combat est très peu décrit : on apprend juste qu'il est insensible aux coups de canons et qu'il prend à lui seul une forteresse. Il se distingue cependant comme chef de guerre : il « reçut toute autorité sur l’armée » (p371) et est donc à la tête des troupes lors des combats, suppléé par son précepteur Ponocrates, ainsi que par Gymnaste. Ce dernier se distingue lors d’une escarmouche où il effraye par des acrobaties des soldats de Picrochole, qui s’enfuient « dans l’idée que c’était un diable affamé » p283. On voit également ici la lâcheté de l’armée de Picrochole, qui est à de nombreuses reprises tournée en ridicule. Par exemple, dans le même combat de Gymnaste contre Tripet, capitaine de Picrochole, il est dit que « Tripet, […] en tombant rendit plus de quatre potées de soupe, et l’âme au milieu de la soupe » p285. Rabelais emploie ici un zeugme donnant un effet comique et ridicule à cette mort en la mettant l’âme de Tripet sur le même plan que la soupe régurgitée.

Cependant, la guerre reste la guerre, et les affrontements entre les deux armées sont décrits de façon très violente. Par exemple, dans l'attaque de représailles de Picrochole, il est dit « sans ordre ni mesure, ils battirent la campagne pêle-mêle, ruinant et pillant partout où ils passaient, n'épargnant pauvre ni riche, lieu sacré ni profane. » p219. La violence est ici mise en valeur par des rythmes binaires, d’abord de deux couples de synonymes, puis deux antithèses.

Cependant, cette brutalité n'est pas l'apanage de l'armée attaquante : frère Jean, le moine de l'abbaye de Seuillé met en déroute à lui tout seul « treize mille six cent vingt-deux » soldats de Picrochole, de la manière suivante : « Aux uns, il écrabouillait la cervelle, aux autres, il rompait bras et jambes, à d’autres, il démettait les vertèbres du cou, à d’autres, il disloquait les reins, ravalait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, renfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, brisait les jambes, déboîtait les hanches, émiettait les tibias. » p229. L’énumération de verbes de brutalité et de leurs compléments d’objet concernant les parties du corps montre l’extrême violence du combat, et l’absence de pitié de frère Jean.

Hormis cela, on peut faire aisément la distinction entre le comportement de Picrochole et celui de Grandgousier. En effet, là où le premier fait preuve d’aveuglement en refusant toute négociation et en saccageant tout, le second se comporte avec humanité, notamment lorsqu’il se retrouve face à face avec un ennemi pris en otage. Ainsi, lorsque Toucquedillon

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