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Lettre de rémission pour un meutrier de sa femme

Par   •  24 Avril 2018  •  4 361 Mots (18 Pages)  •  526 Vues

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Si nous regardons la première ligne « François, par la grâce de Dieu, Roy de France ». Les lettres de rémission s'ouvrent toujours par cette formule abrégée équivalente à « François, par la grâce de Dieu, Roy de France, père légitime, administrateur et usufructuaire des biens de notre très cher et amé filz le dauphin, duc et seigneur propriétaire des pays et duchés de Bretagne ». Puis, voyons les lignes 1 et 2 « Savoir faisans à tous présens et advenir ». Cette phrase est l'adresse universelle qui commence toutes les lettres de ce genre. L'adresse est suivie d'un préambule « Nous avons reçue, l'humble supplicacion de Thomas Manny » (l 2 à 8). Dans ce préambule mais comme dans tous les préambules, le secrétaire fait intervenir des détails pour faire apparaître le suppliant comme digne de pitié. Ici, c'est l'utilisation de « pouvre homme de labour » (l 3) et de « Et combien que ledit suppliant l'ayt tousiours bien et honnestement traictée et gouvernée et fut de bonne vie, renommée, et honneste conversacion » ( l 6 à 8). On peut également citer le fait qu'il soit père « il a ung enfant » (l 6).

Il est très important également de bien rédiger les formules de conclusion. Ici, le texte se finit par « Pour raisons dudit cas a esté ledit suppliant constitué prisonnier en noz prisons de Sens, esquelles il est encores de present detenu en grande captivité et mesmes de son corps et danger d'y fynir miserablement ses jours (l 100 à 103). La lettre ici n'est pas reprise dans son intégralité comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire. La lettre en règle générale se termine sur cette phrase de conclusion abrégée « Nous luy veullons, etc. Pourquoy, etc ». La formulation complète est « Pourquoy nous ces choses consideres, voulloir misericorde prefer a rigueur de justice, aurait suppliant ». Avec ces deux phrases, sont résumés les arguments que le suppliant met en avant afin de demander à bénéficier de la grâce et de la miséricorde royale plutôt que d'avoir à affronter les rigueurs de la justice. Dans la lettre originale, on le retrouve ainsi « En nous humblement requerant par ledit suppliant que actendu, ce que dit est mesmement que ledit cas est advenu par chaude colle et que icelluy suppliant a tousjours esté par cy devant de bonne vie, renommée et honneste conversation, sans jamais avoir esté actaint ne convaincu d'aucun villain cas, blasme ou reproche ». On ne sait pas pourquoi ces formules sont abrégées : on peut penser que c'était pour ne pas répéter la formule en entier à chaque lettre car les notaires en rédigeaient un bon nombre et abréger permettait un petit gain de temps, On sait en revanche, que le demandeur de la lettre avait la version intégrale sans les abréviations.

Passons à la ligne 3 jusqu'à la ligne 8. Dans la suite du préambule, nous avons ici la description très riche du coupable. Il en est toujours ainsi au début de ce genre de lettre. Cette description est réalisée par le suppliant lui-même ou par un des ses proches. Le but est de réaliser son portrait afin pour le lecteur de connaître certains détails le concernant et qui pourrait servir lors de la décision du roi pour la rémission ou non. Cette partie du préambule concerne donc la déclinaison de l'identité du suppliant et cette déclinaison suit en principe, un ordre précis que voici : fortune, sexe, âge, situation de famille, métier et lieu d'habitation. Si nous reprenons le texte, la fortune peut se voir dès la ligne 3 avec l'adjectif « pouvre ». On en déduit donc que le suppliant n'a pas de réel fortune mais il faut faire attention sur ce terme. Car, il peut-être utilisé pour décrire la fortune du suppliant, c'est à dire dans le cas de « pouvre », utilisé pour qualifier une fortune inexistante mais le terme pourrait tout aussi bien être utilisé (mais si cela reste peut-être peu probable) comme adjectif « pauvre homme » pour en quelque sorte, influer la décision du roi. Dans ce cas là, faire comprendre que cet homme n'a pas eu une vie facile et a souffert au cours de son existence. Ensuite, vient le sexe, clairement défini ici par le terme « homme ». Déjà, par cette indication, on peut en déduire une tranche d'âge du suppliant car il n'est pas utilisé le terme de « jeune homme » ou de « vieil homme ». On peut donc situer l'âge de Thomas Manny entre 30 et 50 ans, ce qui nous est confirmer avec l'indication d'âge suivant « trante six ans ». L'âge du suppliant est très important dans ce type de lettre, car cette donnée peut jouer un rôle déterminant dans l'octroi de la rémission. En suivant, nous obtenons des indications sur la situation de famille « ledit suppliant auroit esté conjoinct par mariage avec une nommée Claudine Guyart » (l5-6), le métier « homme de labour » (l 3), c'est donc un paysan. Il ne fait donc pas partie de l'élite et vit une existence modeste. Et enfin, le lieu d'habitation : « Sens » (l 4).

La lettre doit convaincre et cela passe par une stratégie mise en œuvre pour rendre le récit plus authentique.

c) Une stratégie d'argumentation.

Le notaire lorsqu'il rédige la lettre de rémission doit être attentive au fait d'utiliser un langage convenant à la nature des faits qui ont eu lieux.

Il doit donc alterner entre un style solennel pour les événements graves et un style un peu plus familier pour des événements un peu plus communs. Le corps du texte est constitué du récit relaté par le suppliant dans sa langue local et retravaillé, retranscris par les secrétaires en français.

Thomas Manny a raconté les faits à la première personne comme quelqu'un qui raconte une histoire qui lui est arrivé. Mais comme on peut le voir dans la lettre, lors de la rédaction, le « je » est remplacé par le « suppliant » : « ledit suppliant » (l 4, 12, 16), « audit suppliant » (l 30). Le récit devient ainsi un texte à la troisième personne. La formulation de suppliant a deux sens pour Natalie Zemon Davis : c'est le requérant dont le roi écoute la supplication (celui qui supplie) et c'est aussi l'auteur de de la supplique auquel le roi va accorder son pardon.

Cependant, une phrase dénote dans ce récit à la troisième personne du singulier : « Faut-il que je meure pour une putain ? » (l 91-92). Cette phrase résume à elle seule, ce qui va se passer. Elle met en évidence, la question que se pose Thomas Manny le jour de la mort de sa femme. C'est en quelque sorte, la phrase phare de l'argumentation.

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