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La guerre sous l'ancien régime

Par   •  10 Octobre 2018  •  3 598 Mots (15 Pages)  •  349 Vues

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Ainsi, nous avons vu comment l’héritage féodal dont hérite les rois de France au début de l’époque moderne associe l’exercice du pouvoir à la guerre, afin de légitimer leur souveraineté encore fragile. Néanmoins, il n’en demeure pas moins que cette vision de la guerre évolua durant les trois siècles de cette période. Ainsi se pose la question de la mutation du roi guerrier et de l’utilisation de la guerre dans le renforcement de système monarchique.

Courant XVIIe siècle, une nouvelle manière de penser l’Etat comme Etat de guerre fit son apparition. C’est le cardinal de Richelieu, qui, obsédé par la question des Habsbourg encerclant le royaume de France théorisa cette pensée, sous l’impulsion de Machiavel et du cardinal Le Bret (1557-1655). Ce dernier, membre du Conseil du Roi, publia en 1632 un Traité vantant les bienfaits d’un régime absolue. Pour lui, « l’autorité n’est pas plus divisible que le point en géométrie ». Ce nouveau mode de pensé appelé la raison d’Etat, est également mis en avant dans le fameux Testament politique de Richelieu au début des années 1640. Ce testament, ou compilation de notes diplomatiques allant de1630 à 1638, met en avant la notion d’absolutisme, qui implique un pragmatisme plus important du souverain dans son approche de la guerre. En effet, selon Richelieu, le roi doit se détacher du dogme de la morale chrétienne, pour se concentrer sur la grandeur de son propre royaume. Cette nouvelle stratégie se veut donc plus guerrière et offensive, la guerre étant indissociable de la pensée de la raison d’Etat. Mais afin de pouvoir continuer la guerre avec les Habsbourg, et d’affirmer la suprématie du royaume de France, c’est toute la manière de penser la guerre qui doit évoluer. Il va falloir moderniser l’armée régulière, et tenter de limiter l’apport en homme venant des mercenaires suisses ou lorrains par exemple. Ainsi se pose à présent la question de la modernisation de l’armée française afin de répondre aux attentes de la raison d’Etat.

Le climat belliqueux en Europe, ainsi que les évolutions technologiques militaires ont bouleversé la manière de pratiquer l’art de la guerre durant le XVIIe siècle. Ce « siècle de fer » est marqué par une forte croissance des effectifs militaires : de 10 000 hommes sous Henri IV, on passe à 200 000 lors du traité des Pyrénées en 1659. L’armée française atteindra son paroxysme lors de la guerre de Succession d’Espagne, où 600 000 hommes mobilisés ont fait de cette armée ce que l’on a appelé le « géant du siècle ». On constate également une prédominance de l’infanterie sur cavalerie, ainsi que le triomphe des armes à feu. Pour ce qui est des fortifications, le modèle italien (châteaux enterrés) tendra à se généraliser car beaucoup plus adapté aux nombreux sièges ainsi qu’à l’artillerie. Néanmoins, cette évolution de la guerre la rend de plus en plus coûteuse. En effet, l’augmentation du nombre de soldats dans l’armée régulière entraine une augmentation des impôts. La couronne doit trouver de nouveaux financements pour son armée. On assiste ainsi à une hausse drastique des impôts (le montant reçu de la taille passe de 10 millions de livres en 1632 à 53 millions en 1643). De fait, le total des recettes de la couronne provenant de l’ensemble des taxations passe de 15 millions de livres en 1575, à 250 millions à la fin du règne de Louis XIV. Par ailleurs, afin de soutenir l’effort de guerre, Richelieu et Mazarin appliquèrent une politique de prélèvement de « ressources extraordinaires ». Mais cette urgence de récolte de fonds a poussé le royaume à se doter d’une administration plus efficace et efficiente, afin de mieux collecter l’impôt. Cela va profondément modifier le rapport entretenu entre le roi de France et sa manière de pratiquer la guerre. Ainsi, le roi guerrier va devenir un roi stratège ou administrateur.

C’est sous l’impulsion du règne de Louis XIV que la dimension guerrière du roi va radicalement se modifier. En effet, en 1693 le souverain annonça sa décision de ne plus aller sur le champ de bataille, après avoir participé à 19 sièges de places fortes au cours de précédentes campagnes militaires. Celui-ci avait pris la décision de mener ses troupes et de diriger les opérations directement de Versailles, afin de pouvoir gérer toutes les facettes des conflits. Ce faisant, il pouvait tout en même temps vaquer au reste des affaires du royaume, et ainsi affirmer son autorité sur l’ensemble de ses sujets. C’est cette nouvelle administration du royaume, née du changement de pratiquer la guerre, qui raffermit le pouvoir monarchique, l’amenant ainsi à une monarchie absolutiste. Par ailleurs, le Conseil du roi sous Louis XIV se restreignit à deux principaux secrétaires d’Etats attachés à la marine ainsi qu’à la guerre (Colbert et Le Tellier, puis Louvois). Ainsi, alors que les conseillers se font de plus en plus rares, le rapport à la guerre semble toujours rester une priorité. Par ailleurs, sur 54 ans de règne personnel, Louis XIV fut en guerre durant pas moins de 33 ans. Et les conséquences du financement de ces guerres eurent un impact important sur l’évolution de la monarchie. Effectivement, la nécessité d’augmenter les recettes fiscales pour financer la guerre, a entrainé une optimisation de l’administration, avec l’instauration d’intendants fidèles à la couronne (et révocables). De plus, le principe d’urgence de recherches de fonds à allouer à l’effort de guerre, permit à la monarchie d’accroitre son pouvoir. Elle s’appuya sur un vieux principe féodal qui dit que « la nécessité fait loi ». Ce principe avait pour fonction d’entraver le droit de résistance des sujets. Par exemple, lorsque des villages refusaient de payer les impôts de plus en plus importants, le roi faisait souvent appel à la troupe, qui se servait chez l’habitant jusqu’au paiement attendu. La monarchie possède donc enfin une force de frappe importante et a les moyens de se faire respecter par ses sujets. Pour finir, l’appel à des traitants, ou fermes permit à l’Etat de financer ses campagnes sans avoir besoin d’attendre le versement des taxes. Cette dernière manière de financer la guerre va amener là aussi à un meilleur contrôle du royaume : les officiers du Roi ne pouvant pas contrôler toutes les perceptions des taxes, faire appel à des fermes ou traitants va permettre de mieux quadriller le royaume à la recherche de la somme voulue.

Ainsi, la pensée de la raison d’Etat permis non seulement d’accroitre le pouvoir du roi, mais facilita également l’optimisation de la structure bureaucratique de l’époque. Mais alors que le royaume de France voit se succéder une alternance de paix

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