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Biographie de Marc Bloch

Par   •  14 Octobre 2018  •  4 342 Mots (18 Pages)  •  491 Vues

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Lucien Febvre (1878-1956), comtois de souche, aîné de 8 ans de Marc Bloch, historien moderniste et contemporain, est aussi l’homme de sa génération, celle qui dépasse les limites de l’école méthodique, tout en en intégrant les mérites. En 1911, Febvre soutient sa thèse sur le thème Philippe II et la Franche-Comté dans laquelle il souligne le lien existant entre la société d’un temps, son économie et ses représentations mentales. Professeur à l’université de Strasbourg en 1919, il passe finalement au Collège de France en 1933, ce qui lui laisse une marge de manœuvre plus importante. Son œuvre personnelle est considérable et son approche de la complexité des mentalités religieuses exemplaires : un destin, Martin Luther (1928), le problème de l’incroyance au XVIe siècle : la religion de Rabelais (1942). Outre la création des Annales avec Bloch, Febvre préside le comité de l’encyclopédie française et la sixième sexion de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, vouée en particulier aux questions religieuses. Combattif, parfois acerbe dans ses critiques, Febvre se veut le défenseur d’une histoire plus complète, aussi bien par le décloisonnement des champs d’investigation que par la mise en valeur de l’incontournable part subjective de l’historien. Il fustige le déterminisme de l’école méthodique et privilégie une forme de « possibilisme », théorisé en géographie par Paul Vidal de La Blache (1845-1918) selon lequel le milieu exerce une influence mais ne détermine pas de façon absolue. Febvre reproche aussi à l’enseignement officiel de son temps de faire de l’histoire un outil de propagande, dans l’héritage patriotique d’Ernest Lavisse (1842-1922). Il estime qu’il est important de valoriser le point de vue de celui qui écrit l’histoire : « l’histoire aussi créée son propre objet. Elle ne le créée pas une fois pour toute. Aussi bien toute histoire est-elle fille de son temps. Mieux, il n’y a pas l’Histoire, il y a des historiens ». Au point de vue de la méthode, il conteste l’orientation étroite imprimée par Fustel de Coulanges (1830-1889) selon lequel « l’histoire se fait avec des textes ». Pour sa part, Febvre veut faire rentrer dans l’histoire « le ciel et les eaux, les villages et les bois, toute la nature vivante ».

Ainsi, dans le contexte d’une crise de l’enseignement de l’histoire dans les lycées et les universités, Bloch, tout comme Febvre, conteste une certaine façon de réduire l’histoire à une collection de faits historiques certes rigoureusement précisés. Pour lui, en revanche, l’historien doit en quelque sorte se livrer à un travail de reconstitution et de recomposition du contexte dans lequel s’inscrit des évènements qui ne sont jamais isolés et tirent leur sens de ce même contexte. Ainsi, il entend tracer un nouvel horizon de recherches beaucoup plus large et alliant rigueur dans la lecture du passé et audace dans les interprétations données en lien avec le temps présent.

L’entreprise de l’Ecole des Annales est clairement novatrice et instauratrice : il s’agit de concevoir et d’appliquer une nouvelle façon de faire de l’histoire, avec de nouveaux thèmes jusque là délaissés comme les évolutions économiques, démographiques, sociales et culturelles. En outre, en dépassant les chaînes explicatives trop linéaires et souvent uniques de l’école méthodique, Bloch, tout comme Febvre, entend mettre en relief les vrais motifs souvent pluriels et complexes, retraçant ce que Jacques Le Goff appelle une « histoire des profondeurs ».

Bloch et Febvre, malgré ce qui les sépare, caressent un dessein commun de définir un nouveau projet. Si Febvre s’intéresse de façon privilégiée aux mentalités et à l’histoire des idées, s’il cultive davantage que Bloch une vaine polémique, les deux hommes entendent bien réaliser un projet commun d’une histoire « totale », attentive à tous les aspects de la vie des hommes. Marc Bloch souhaite faire de l’histoire une science sociale, à savoir une discipline qui étudie l’ordonnancement et le fonctionnement concret des sociétés, les lois et les mutations de l’économie et la dimension culturelle. Au-delà d’une simple description, l’Ecole des Annales tente de formuler des hypothèses explicatives.

Pour Marc Bloch, comme pour Febvre au demeurant, un fait historique n’a pas l’objectivité incontournable que lui prête l’école méthodique. Un fait est toujours saisi par une conscience qui s’inscrit dans son propre contexte historique et en relation avec les problèmes qui s’y posent. Il n’y a d’histoire que constituée par l’historien et non « toute faite ». Ceci justifie un constant va-et-vient entre le présent et le passé. L’historien expose les faits, les organise, les analyse, en fonction du temps présent même si, bien entendu, l’entreprise historienne ne se réduit pas à une réinterprétation arbitraire voire totalement inventée. Rompant délibérément avec le positivisme et son culte du fait objectif, l’Ecole des Annales considère l’histoire comme une entreprise en partie subjective et relative à l’historien, qui reconstitue une unité ainsi réinventée à partir de fragments recueillis. L’historien discerne des problèmes à traiter, sortant ainsi de l’espace de la pure objectivité.

Les disciplines doivent travailler en synergie. Bloch et Febvre dénoncent les « schismes redoutables ». Marc Bloch est convaincu du caractère évolutif et pluriel de la science au fil des âges. C’est pourquoi il tient à préciser qu’il ne se sent plus « l’obligation de chercher à imposer à tous les objets du savoir un modèle intellectuel uniforme, emprunté aux sciences de la nature physique ; puisque là même, ce gabarit a cessé de s’appliquer tout entier ». Fort de cette conviction, Bloch ouvre le champ de l’histoire aux autres disciplines scientifiques. Il conçoit donc le travail de l’historien comme pluridisciplinaire, avec un large recours à la méthode comparative.

L’œuvre maîtresse de Marc Bloch en 1924, Les Rois thaumaturges. Etude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre est un livre précurseur. Au-delà des évènements évoqués, qui passent à l’arrière-plan, c’est la façon dont les pouvoirs thaumaturgiques des souverains français et anglais sont apparus et perçus, qui intéressent spécifiquement Marc Bloch. Ce dernier, rationaliste convaincu, exclut a priori toute réalité objective d’un miracle. Néanmoins, il tente d’expliquer la croyance des populations en ces phénomènes miraculeux. Cet ouvrage articule une analyse anthropologique à la suite de James Frazer et de

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