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Influence du Siècle des Lumières sur l'évolution des peines en France.

Par   •  30 Mai 2018  •  3 057 Mots (13 Pages)  •  502 Vues

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2 - Laïcisation de la répression pénale

En second lieu, avec le Siècle des Lumières où on prône les droits et libertés de l’humain, apparait le phénomène de laïcisation de la répression pénale. En effet, les délits ne sont plus considérés comme étant des péchés, mais plutôt comme des infractions à la loi et, par conséquent, un bris du contrat social. Il en découle par ailleurs la définition du crime donnée par Hobbes, un philosophe anglais cité par Alvaro P. Pires dans l’ouvrage Histoire des savoirs sur le crime et la peine : La rationalité pénale et la naissance de la criminologie, : «un crime est une faute qui consiste à commettre, par l’action ou la parole, ce que la loi interdit, ou à omettre ce qu’elle a ordonné» (P. Pires, 2008, p.53). Ainsi, Benoit Garnot résume très bien les changements dans la façon de punir dans l'extrait suivant de son livre intitulé Histoire de la justice : France, XVIe – XXIe siècle : «le crime est ressenti plutôt comme un attentat contre la collectivité, plutôt que contre la divinité […], l’État juge, non plus au nom de Dieu, mais en celui de la loi dite rationnelle ; il s’agit moins de faire expier le coupable que de faire en sorte qu’il n’ait ni l’envie de recommencer ni la possibilité d’avoir des imitateurs.» (Garnot, 2009, p450-451). En d’autres termes, l’Homme du Siècle des Lumières ne considère plus Dieu comme le juge suprême, mais établit plutôt un code moral, appliqué par des représentants de la collectivité, qui régit son quotidien. Les châtiments publics représentaient auparavant un rituel de réconciliation avec l’au-delà, soit l’opportunité pour les condamnés de demander le pardon de Dieu, d’expier leurs péchés et en quelque sorte de se purifier avant de mourir dans l’espoir d’avoir accès au ciel et éviter la damnation éternelle en enfer. Cette agonie s’avérait en quelque sorte une preuve de culpabilité, car des souffrances intenses et prolongées signifiaient que Dieu avait abandonné le coupable, tandis qu’une mort rapide était la preuve de la protection de Dieu (Foucault, 1975, p. 57). Cependant, avec l’arrivée des Lumières, l’application de ce type de châtiments se fait de plus en plus rare. Dorénavant, on ne punit plus pour purifier un corps aux yeux de Dieu, mais pour corriger l’individu même et le remettre sur le droit chemin. Cette nouvelle conception a pour objectif de permettre au fautif de réintégrer la société sans qu’il ne constitue une menace pour celle-ci. C’est pourquoi les peines visent de moins en moins le corps, mais davantage les droits et libertés du condamné. On remarque l’influence des Lumières dans ce domaine, car le principe d’humanité, défini comme étant une «disposition habituelle du cœur à employer nos facultés à l’avantage du genre humain» (Delia, 2014, p.40), est mis de l’avant. En effet, on cherche à tendre vers ce qu’il y a de mieux pour l’individu et, par extension, pour la société. On inflige des peines beaucoup plus humaines, mais tout de même correctives et dont l’application sert de dissuasion à commettre un crime similaire. De plus, la laïcisation de la répression pénale devient également remarquable à travers la perception que la société a du coupable. En effet, on le considérait avant comme un homme possédé et soumis à des pulsions diaboliques, mais cette conception est totalement revisitée au XVIIIe siècle. Selon la vision juridico-pénale, il est maintenant définit comme un ennemi de la société en raison du crime qu’il commet en enfreignant des lois établies par le contrat social. L’acte en est un qui perturbe le «repos public» et met en danger la stabilité et la sérénité de la société. Toutefois, du point de vue de la définition du correctionnaire, l’accusé est présenté davantage comme étant un individu dont on a la possibilité de transformer le comportement fautif. (Foucault, 1972-1973, p.165-166). Bref, la laïcisation de la répression pénale se fait non seulement au niveau de la conception que l’on a du criminel, mais également dans la manière de le juger et de le punir.

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3 – Émergence des prisons et changement dans la fonction de cette institution

En dernier lieu, les Lumières engendrent l’émergence des prisons, mais aussi un changement dans la fonction de cette institution qui vise dorénavant davantage la réhabilitation du condamné que son enfermement dans la solitude. En effet, la prison qui était auparavant une peine peu utilisée, devient l’une des plus importantes, car suite aux Lumières, plusieurs jugent qu’elle est plus humaine. Tel que mentionné à plusieurs reprises, on favorise de plus en plus l’idée selon laquelle la peine doit contribuer à améliorer le coupable et permettre sa réintégration dans la société. La prison semble être un des meilleurs moyens d’y parvenir. D’ailleurs, entre 1750 et 1760, la Bretagne transforme la majorité de ses condamnations à mort en peines d’emprisonnement (Garnot, 2009, p.498). La prison est le parfait exemple pour démontrer l’influence des Lumières sur la vision des peines, car ce mouvement de pensée, qui encore une fois promeut les droits et libertés de l’humain, estime que pour punir quelqu’un il n’est pas nécessaire de s’en prendre à son corps, mais plutôt à ses droits et libertés, et quoi de mieux que l’enfermement pour suspendre les droits d’un individu et le priver de sa liberté ? On passe donc de peines corporelles de différents niveaux à un enfermement d’une durée variable. Cette durée, qui permet en quelque sorte une individualisation des peines, a bien sûr une influence sur le redressement des détenus, car tel que l’explique si bien Michel Foucault dans Surveiller et punir : «Le terme de six mois est trop court pour corriger les criminels, et les porter à l’esprit de travail ; en revanche, le terme de la vie les désespère ; ils sont indifférents à la correction des mœurs et à l’esprit de travail ; ils ne sont occupés que des projets d’évasion et de révolte» (Foucault, 1975, p.144). Le but des prisons n’est plus nécessairement de garder enfermés les condamnés à vie, comme c’était parfois le cas avec les cachots, mais plutôt de viser la correction, le redressement et la réinsertion des individus dans la société et avant tout éviter les cas de récidive. On prône de plus en plus l’idée humaniste selon laquelle une « société qui ne met plus à mort s'engage à devenir une société qui permet la reprise de la vie» (Dumas, s.d). D’ailleurs, un principe bien important

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