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Le socialisme et le travail des femmes

Par   •  24 Octobre 2018  •  2 649 Mots (11 Pages)  •  410 Vues

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- L’ouvrière au cœur de la construction d’un ordre moral socialiste nouveau.

- De la femme bourgeoise à la travailleuse socialiste.

Tout au long du XIXème siècle s’opère une translation du féminisme bourgeois vers le mouvement socialiste. Lors de la conférence de 1899 établissant le Groupe Féministe Socialiste, Louise Saumoneau justifie en quoi le féminisme bourgeois n’est que bienpensant et par conséquent vain. Selon elle, la seule manière d’extraire l’ouvrière de sa subordination est la lutte des classes : « Nous savons que parmi les féministes bourgeoises, il y en a qui ont d’excellentes intentions au point de vue social. Elles veulent abolir la guerre, la prostitution, l’alcoolisme, et toutes les misères sociales qui blessent leur sensibilité. Mais comme elles veulent conserver leurs privilèges de classe et, par conséquent, l’organisation qui développe et entretient ces misères lorsqu’elle ne les crée pas, elles sont condamnées à s’épuiser en de vaines critiques et en lamentations inutiles, ou à se perdre en de vagues phraséologies idéalistes ». L’objectif de ce groupe féministe est à la fois de réfléchir à l’état social des ouvrières de l’époque, mais aussi d’organiser des conférences sur la doctrine socialiste, considérant que même si le féminisme bourgeois « se voulait hors classe, neutre, et affirmait qu’il représentait les revendications et les actions de toutes les femmes », il ne représente en réalité que les intérêts de la classe bourgeoise pour opprimer les prolétaires. Cet antagonisme peut sembler extrapolé dans la mesure où les femmes de tous milieux sociaux, y compris des ouvrières, ralliaient en nombre ces mouvements féministes bourgeois. De plus, les travailleuses n’ont pas toujours été soutenus par le parti des ouvriers. Si parfois elles furent épaulées dans leur lutte, comme lorsque les socialistes guesdistes (du nom de Jules Guesde) du Parti ouvrier français ont encouragé la syndicalisation féminine dans le secteur du textile, très présent dans le Nord, ce parti a aussi, au nom de préoccupations purement électoralistes à partir des années 1890, laissé de côté les femmes et leurs syndicats. Il y a donc une relation parfois très ambiguë entre les ouvrières et le socialisme.

- Une autonomisation de la femme favorisée par une société industrielle en composition.

Tout au long du XIXème siècle, l’accès progressif de la femme au travail lui permet d’acquérir de nombreuses libertés individuelles et de fait de s’affranchir peu à peu des institutions traditionnelles qui régissaient la société de l’époque. D’abord, la mentalité des femmes vis-à-vis du mariage évolue sensiblement. Selon John Stuart Mill, « le mariage est la seule forme réelle de servage reconnue par la loi ». En empruntant au monde ouvrier et son vocabulaire révolutionnaire le mot « servage », Mill fait un parallèle entre la soumission de l’ouvrier au bourgeois par le capitalisme et la soumission de la femme à l’homme par le mariage. Pourtant, certains socialistes convaincus tels que August Bebel ne voient pas d’un bon œil cet affranchissement du mariage. En 1886 est rétabli le droit de divorce, marquant une étape majeure dans la prise d’autonomie des femmes. Bebel affirme dans La femme et le socialisme (1891) : « Il n'est pas douteux qu'avec le développement pris par le travail féminin, la vie de famille va se perdant de plus en plus pour l'ouvrier, que la désorganisation du mariage et de la famille en est la conséquence, et que l'immoralité́, la démoralisation, la dégénérescence, les maladies de toute nature, la mortalité́ des enfants, augmentent dans d'effrayantes proportions ». Non pas que Bebel considère le mariage comme une institution morale et chrétienne indispensable, il juge que l’affaiblissement du mariage encourage le concubinage et la prostitution, seule échappatoire aux travaux ouvriers mal rétribués. L’exode rural massif vers les usines dans les villes participe également à la perte de repères et de traditions fortement encrées dans la société jusque-là : les classes sociales se confondent dans des entités très proches, l’ouvrier côtoie le propriétaire, tout comme l’ouvrière se confond avec l’ouvrier. La population d’Oyonnax double entre 1894 et 1911, passant de 4500 à 9000 habitants. Le travail de la femme devient plus compétitif car la femme permet de réaliser les mêmes travaux pour un salaire bien moins onéreux. L’ouvrière socialiste s’affranchit également du poids du Clergé, qui développe une vision figée de la femme dans la famille et dans la société. Le ressentiment de l’Eglise vis-à-vis du socialisme en est d’autant plus fort : à Douarnenez, en 1900, les clercs annoncent refuser le sacrement aux femmes impliquées dans un syndicat.

- La femme prolétaire et le socialisme, du second plan à un rôle politique majeur.

Alors que la femme du début du XIXème siècle est asservie à l’homme, la femme de la fin du XIXème siècle est une travailleuse fière et indépendante, qui s’est battu dans les syndicats et partis politiques pour obtenir des droits : en 1906, 38% de la population active est féminine, tant dans les secteurs manufacturiers et domestiques traditionnels que dans les professions intellectuelles supérieures, d’avocate, de médecin (pas moins de 87 femmes sont médecins en 1900) ou de professeur, comme ce fut le cas de Marie Curie, première femme professeur à la Sorbonne en 1906. La femme au foyer bourgeoise est un modèle en décomposition, sous l’effet des revendications ouvrières assumées. Le modèle de soumission à l’homme est totalement renversé par le travail de la femme, qui acquiert un pouvoir d’achat dans une société de consommation émergente. Au début du XIXème siècle, certains socialistes utopistes tels que Fourier ou Saint-Simon discutaient déjà la place de la femme dans la société, mais ne comprenaient pas encore le rôle essentiel d’un travail socialement utile et autonome dans l’émancipation de leur oppression. C’est en tout cas l’avais d’Alexandra Kollontai, qui ajoute dans sa huitième Conférence à l’université Sverdlov sur la libération des femmes (1921), que « avec la naissance de la IIIème Internationale, le mouvement des femmes prolétaires devint définitivement un aspect de la lutte révolutionnaire organisée de la classe ouvrière ». Le changement des mentalités est toutefois loin d’être terminé à la fin du siècle, puisque même le Congrès syndical de Rennes en 1898 est ouvertement sexiste. L’idée

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