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Le royaume du Mitanni

Par   •  7 Décembre 2018  •  3 547 Mots (15 Pages)  •  514 Vues

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Ainsi, cette lettre est un lien fictif entre deux souverains qui ne se côtoient pas. Tout repose alors sur la sacralité de l’oral dans le but d’impressionner son destinataire par l’oralité et la force des mots. Tout consiste en fait, la obtenir la compassion par la séduction de l’émetteur au destinataire afin d’obtenir l’adhésion de ce dernier.

A priori, si on suit les mots de Tusratta, l’auteur semble attristé de la mort du précédent pharaon d’Egypte, Amenhotep III, duquel il se disait très lié – et réciproquement – mais se réjouis de la succession de son fils sur le trône égyptien et « l’aime déjà » comme nouveau représentant politique du souverain défunt.

- La correspondance diplomatique de deux souverains de royaumes voisins

Tusratta se dit lui-même dans cette lettre « grand roi, roi du Mitanni » (l.2).

Il est devenu roi semble-t-il des suites d’une usurpation orchestrée par Ud-hi, ce dernier étant l’assassin de son frère Artasumara. Bien qu’il soit un jeune roi sur le trône, il s’est rapidement accommodé de la situation de son royaume et s’installa sur le trône durant environ trente ans de -1380 à -1350 avant notre ère.

Les échanges diplomatiques envoyées par Tusratta à son homologue égyptien, le pharaon Amenhotep III, à sa femme la reine Teye et à leur fils Amenhotep IV (plus tard Akhenaton) montrent des relations profondément amicales entre les deux cours, auxquels s’ajoutent de nombreux échanges de présents et les alliances matrimoniales entre Tadu-Heba, la fille de Tusratta, marié d’abord à Amenhotep III, puis à la mort de ce dernier, à son fils Amenhotep IV.

Ainsi, durant la première partie de son règne, Tusratta profite d’une relative paix diplomatique. Mais la montée en puissance du souverain du royaume d’Anatolie, Suppiluliuma Ier, enterre définitivement le fleuve diplomatique tranquille.

Dans ce contexte, cette lettre s’adresse au pharaon Akhenaton, officiellement sur le trône de -1350 à -1335 av. JC. Selon nos sources, ce dernier aurait pu être corégent quelques années avant la mort de son père. Le débat reste ouvert.

Toujours est-il que ce dernier a rapidement épousé la célèbre Néfertiti (probablement originaire du Mitanni), avant de se marier à la fille du roi du Mitanni, Tusratta, Tadu-Heba. Comme en témoigne la lettre de Tusratta qui déclare au pharaon d’Egypte : « Pour Tadu-Heba, ma fille, que tout aille bien. » (l.3).

Si au début de son règne, le pharaon semble poursuivre la politique de son père, il adopte une position très nettement radicale en matière religieuse – pratiquement de l’ordre du monothéisme – se préoccupant uniquement des aspirations religieuses et laissant définitivement la pratique des jeux diplomatiques entre souverains étrangers hors de ses préoccupations.

- Une lettre d’amitié ou d’amour d’un souverain mitannien pour sa fille ?

A la lecture de la missive, Tusratta semble d’abord préoccupé du bien-être de sa fille, femme du pharaon d’Egypte. En effet, si la lettre peut sembler exagérer (« mon gendre, que j’aime et qui m’aime » ligne 1), cette grande rhétorique semble avoir son importance puisque les fratricides, mensonges et les trahisons étaient courants chez les dirigeants du Proche-Orient ainsi il est nécessaire de déclarer son amour – même impudiquement – car l’émetteur doute souvent de l’efficacité de la relation diplomatique entre deux royaumes, symbolisés par une soit disant « amitié » entretenue par la pratique des mariages.

De plus, le mariage ne fait que cimenter un lien entre deux cours royales manifestement éloignées. Ainsi, la princesse, livrée à son futur époux, arrivait dans une cour qui lui était étrangère, dont la langue ne lui était pas familière, mangeant de nouveaux produits qu’elle ne connaissait pas, peu entourée et honorant des dieux inconnus. Les chances de revoir ses proches de son royaume d’origine étant faibles, l’envoi de cadeaux et de lettres étaient le seul moyen de garder un lien.

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Ainsi, a priori, cette missive donne l’apparence d’une correspondance entre deux souverains relativement identiques, appartenant à la « haute » société, l’un étant au pouvoir depuis « peu », l’autre siégeant depuis plus longtemps. Cependant, le royaume semble en difficultés, menacé par le souverain anatolien, quand l’Egypte semble elle, à son apogée. Le vécu et l’expérience politique de Tusratta se faisant nettement ressentir à la lecture de cette lettre, marquent l’établissement progressif d’une frontière à déchiffrer derrière les formalités de courtoisie de cette rhétorique. En effet, le « politiquement correct » est loin d’être un pur geste de galanterie ou d’amitié, cette lettre semble animée d’une volonté masquée, de faire comprendre de l’urgence d’un enjeu diplomatique de grande ampleur, crypté.

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II/ Une ancienne connivence entre deux royaumes, héritée des mariages diplomatiques

La missive de Tusratta « dit » bien « sans dire », les codes de la lettre masquent un sentiment de désarroi de la part de son auteur, qu’il enveloppe derrière des sentiments, et cachent de réelles tensions, particulièrement délicates pour la survie du royaume du Mitanni.

- Les alliances matrimoniales : une pratique ancienne, sous les auspices d’une entente cordiale entre deux royaumes

Les mariages sont de véritables outils en matière de politique étrangère; ils constituent une sorte de fraternité de l’union diplomatique à l’origine des relations internationales du Proche-Orient.

En effet à partir des lignes 16 jusqu’à la ligne 27, Tusratta explique à Akhenaton l’ancienneté de cette pratique et le fait que s’ils se sont conclus, malgré la « pression » (ligne 18), les dirigeants mitanniens finissaient par accepter de « donner » leurs princesses aux souverains égyptiens.

Ainsi, il explique que Thoutmosis IV interrompt même ses activités militaires pour établir des relations amicales et de mariages diplomatiques avec le royaume de Mitanni. De même, Amenhotep III préfère la négociation à la guerre fastidieuse. Tel indiqué à la ligne 7 : « ton père, écrivait sans cesse au sujet de la paix ».

Tusratta sous-entend que le souverain a multiplié les mariages diplomatiques afin de s’assurer de

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