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Hestia, déesse grecque

Par   •  9 Octobre 2018  •  10 114 Mots (41 Pages)  •  479 Vues

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au sein de l’Histoire des hommes, la figure d’Hestia semble s’être construite en Grèce à partir de l’apparition du système de cité-Etat , vers le VIème siècle. Il nous suffit de reprendre les oeuvres d’Homère (l’Iliade et l’Odyssée du VIIIème siècle avant Jésus Christ) pour voir que la déesse ne figure pas au sein de la théogonie du panthéon des grecs de l’époque. ‘Hestia’ désigne alors uniquement le foyer, auquel sont déjà associées les qualités de convivialité et d’hospitalité qui préfigurent la personnification d’un élément matériel en une divinité immatérielle.

Certains historiens rapprochent le culte d’Hestia du culte d’une divinité mycénienne, qui apparaîtrait sur quelques fresques des palais mycéniens. Cette approche est à nuancer puisqu’il s’agit surtout d’une divinité féminine qui préside les banquets humains, sans lien direct avec la fonction d’Hestia. En revanche, il apparaît évident qu’il existait déjà un important culte du foyer dans la Grèce mycénienne. Ainsi, Louis Deroy (“Le culte du foyer dans la Grèce mycénienne”) souligne que “la fille non mariée [était désignée] en tant que personne normalement chargée de l’entretien du feu domestique” au temps de la Grèce mycénienne, et que les maisons disposaient d’un important foyer central, le mégaron. Plus encore, certains historiens voient dans le temple circulaire de l’époque mycénienne, la Tholos, l’équivalent archaïque du Prytanée (lieu du foyer de la cité-État, que nous développerons).

Pour Jean Charbonneaux, il a pu exister un culte public du feu central des cités mycéniennes, mais ce culte n’avait pas l’envergure politique du foyer du Prytanée. La confusion de l’usage du mot ‘tholos’, soit comme un temple mycénien, soit comme une annexe du Prytanée de l’époque classique, alimente toujours les débats des spécialistes. La position nuancée de Jean Pierre Vernant distingue la Tholos mycénienne, qui pouvait être dédiée à un tout autre culte que celui du feu, et le Prytanée. Il préfère souligner l’importance du foyer chez les mycéniens, qu’il appelle ‘epichtonioi’, à la surface de la Terre, et ainsi la permanence de l’attachement aux racines de la Terre et au foyer général depuis le début de la civilisation grecque. On comprend ainsi que la figure d’Hestia, ignorée d’Homère, personnification d’un culte séculaire du feu, fut forgée de toute pièce à l’époque de la cité-Etat, notamment par le récit de son apparition au sein de la théogonie.

1.2. Naissance divine et place dans la théogonie grecque

Afin de nous replonger dans la naissance d’Hestia, il nous faut donc reprendre la généalogie des dieux grecs telle qu’elle fut établie par le peuple et les auteurs hellénistes. En effet, à chaque dieu anthropomorphe était attribué un caractère, fait de défauts et de qualités censés refléter ceux du genre humain. Ces dieux étaient également l’objet de multiples récits qui se transmettaient oralement, par les aèdes, ou qui étaient mis sur papier sous forme d’épopées ou de théogonies, textes qui faisaient alors autorité.

Si l’on reprend le large panthéon grec comme l’ont fait L. Gernet et A. Boulanger (Le génie grec dans la religion), on perçoit que la religion grecque est issue d’une mentalité unique, faites de représentations et de pratiques rituelle. Ainsi, le panthéon grec classique distingue plusieurs générations de dieux, dont l’union d’Ouranos et de Gaïa fut à l’origine (annexe 1). En ce qui concerne la place d’ Hestia, c’est un des douze dieux de l’Olympe. Si les dieux sont immortels, ils ont cependant une naissance, et celle d’Hestia révèle la complexité de la divinité. Tout d’abord, selon certains, son seul mythe réside dans sa naissance, qui la distingue déjà des autres dieux. En effet, dans sa Théogonie, Hésiode fait d’Hestia la première-née de Cronos. Le poète grec du VIIIème siècle avant Jésus Christ écrit cette œuvre fondatrice relatant l’origine des dieux et de la mythologie grecque.

Dans cette traduction de la Théogonie par Henri Patin (1872), membre de l’Académie Française, il apparaît ainsi que :

“Cédant à l’amour de Cronos, Rhéa eut de lui d’illustres enfants, Hestia, Déméter, Héra à la chaussure d’or, le redoutable Hadès aux demeures souterraines, au cœur inflexible, l’impétueux et bruyant Poséidon, le sage Zeus, père des dieux et des hommes, qui de sa foudre ébranle la vaste terre. A peine sortis des entrailles sacrées de leur mère et déposés sur ses genoux, le grand Cronos engloutissait dans son sein tous ses enfants : c’était pour qu’aucun des glorieux descendants du ciel ne pût un jour lui ravir le sceptre.”

Hestia fait donc partie des six enfants engendrés par Cronos et Rhéa, mais elle ne dispose pas d’un quelconque attribut ou qualificatif spécifique, contrairement à ses illustres frères et sœurs (Héra a déjà une chaussure d’or, tandis que Poséidon est qualifié d’”impétueux et bruyant”).

D’autres textes approfondissent cette idée, dont l’Hymne Homérique à Aphrodite, auquel nous reviendrons. Cet hymne fait partie d’une collection de trente-trois poèmes dédiés à des dieux différents, destinés à être lus en préambule à une œuvre plus importante. L’hymne à Aphrodite énonce ainsi que Cronos engendre, « la première – et aussi la dernière » la déesse Hestia. En effet, Hestia fut la première à naître, à être avalée par son père Cronos, et la dernière à être sauvée par son frère Zeus, et donc rejetée du ventre de son père.

Si les hymnes homériques ont su s’inscrire dans la durée, les écrits de l’auteur grec Apollodore d’Athènes témoignent également de la permanence à travers les siècles de l’idée d’une naissance originale d’Hestia. Il est dit dans sa Bibliothèque datant du Ier ou du IIème siècle après Jésus Christ :

“ Le premier à étendre sa domination sur le monde fut Ouranos. Il épousa Gaia, et leurs premiers enfants furent les Centimanes (…) Après eux, d’Ouranos Gaia enfanta  les Cyclopes (…). Mais Ouranos enchaîna ses propres enfants et les jeta dans le Tartare (…). Naquirent ensuite les Titans, Océan, Coéos, Hypérion, Japet, et Cronos le plus jeune. Et leurs soeurs furent elles aussi appelées Titanides : Thétis, Rhéa, Mnémosyne, Phoebé, Dioné et Thya.

Mais Gaia souffrait beaucoup à cause de la perte de ses fils précipités dans le Tartare ; c’est pourquoi elle persuada les Titans d’attaquer leur père : puis, comme arme, elle donna à Cronos une faucille d’acier. Cronos coupa les parties génitales

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