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Constantinople vue par l'historien Zosime

Par   •  23 Février 2018  •  6 435 Mots (26 Pages)  •  385 Vues

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L'extrait que nous allons étudier raconte d'abord où et pour quelles raisons Constantin choisit de fonder une nouvelle cité. Il s'attache également à faire un bref résumé historique du site de la Byzance antique. Il décrit ensuite les différentes constructions commandées par Constantin, qui modifient la ville en profondeur et la font devenir une véritable cité impériale. Enfin, il parle de la ville après la mort de Constantin, et critique les successeurs de ce dernier qui n'ont, selon lui, pas su éviter une surpopulation nuisible.

C'est donc en suivant la trame du texte que nous allons articuler notre réflexion. Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux raisons (celles invoquées par Zosime mais également d'autres, sans doute plus vraisemblables) qui poussent Constantin à bâtir une ville sur cet emplacement précis. Nous verrons ensuite en quoi l'intervention de l'Empereur a fait de Constantinople à la fois un centre politique, une ville chrétienne mais également un lieu de résidence impériale. Enfin, nous étudierons l'action de ses successeurs et verrons dans quelle mesure ils ont perpétré son œuvre, tout en prêtant attention aux allégations de Zosime sur ce sujet.

Juste avant l'extrait présenté par André Chastagnol, Zosime avance le fait que Constantin décide de « fuir » Rome en 326 lors d'un séjour dans la capitale, à la suite d'un incident entre lui, le peuple et des membres du Sénat où il aurait refusé de se rendre au Capitole lors de la célébration de ses vicennalia (fête officielle pour célébrer les 20 ans de son règne), à cause d'une vision en forme de présage chrétien qui le lui aurait interdit. C'est, selon Zosime, sous cette pression populaire et religieuse que l'empereur prend la décision de quitter Rome pour s'installer ailleurs. Il est nécessaire de préciser que Zosime fait probablement fausse route ici, étant donné que nous savons que Constantin décide de fonder Constantinople sur l'antique site de Byzance (voir annexe 1) deux ans avant cet événement, en 324. En effet, alors que son siège victorieux à Byzance sur Licinius (son « collègue » empereur d'Orient) se termine le 18 septembre 324, il élève son fils Constance II à la dignité de César le 8 novembre de la même année, à peine quelques semaines plus tard. Selon le rhéteur Thémistios, Constantinople est déjà fondée et consacrée le même jour, puisque selon lui l'empereur « donne en même temps la pourpre à son fils et une nouvelle enceinte à sa ville »[1].

D'autre part, il est important de noter que Constantin ne peut pas quitter Rome dans la mesure où il n'y a jamais vraiment résidé. En effet, Constantin est un empereur itinérant jusqu'à 330, il n'a jamais eu de résidence fixe pendant ses 24 premières années de règne (excepté un long séjour à Sardique). En outre, depuis Dioclétien et la mise en place de la tétrarchie en 305, Rome cesse d'être le siège du gouvernement impérial. Constantin n'y fit en réalité que quelques séjours, lors desquels il reçut de nombreux témoignages d'adulation. La ville prit d'ailleurs le deuil à sa mort en 337, avec la fermeture de nombreux édifices à cette occasion. Selon Eusèbe de Césarée, les romains demandèrent même à ce que Constantin y soit enterré[2] (on nuancera en rappelant qu'Eusèbe fut un proche de l'empereur). Toutes ces informations nous conduisent à émettre de sérieuses réserves sur les propos de Zosime, affirmant que Constantin est contraint à fuir Rome sous la vindicte populaire.

Nous pourrons néanmoins préciser que, dans une volonté de développer le christianisme qu'il a embrassé quelques années auparavant, lors de la bataille du Pont Milvius en 313 (avec l'apparition de la Croix qui aurait préfiguré de sa victoire contre Maxence), Constantin a probablement jugé pertinent de fonder une nouvelle capitale loin de Rome, encore très attachée aux valeurs du paganisme. L'explication religieuse, adoptée par tout un ensemble d'historiens du XIXe siècle dans un premier temps (entre autres Edward Gibbon, Victor Duruy ou Louis Duchesne, dont leurs raisonnements, sans doute influencés par l'épisode de la donation de Constantin ont été étudiés par Louis Bréhier[3]), ne semble de toute façon intervenir qu'en second plan pour comprendre les raisons qui ont poussé l'empereur à s'établir proche du Bosphore, comme nous allons le voir.

En effet, la décision de Constantin s'articule principalement autour de considérations stratégiques, voire commerciales. Le IVe siècle s'ouvre pour l'Empire romain sous une menace extérieure triples : d'une part sur le Rhin avec les Francs et les Alamans qui cherchent à pénétrer en Gaule, d'autre part dans la vallée du Danube et sur la mer Noire où les Goths et les Sarmates sont un danger pour la péninsule des Balkans et l'Asie Mineure, et enfin en Orient où l'Empire Perse n'a toujours pas renoncé à conquérir la Syrie et l’Égypte (voir annexe 5). La situation de Byzance, idéalement placée à l'entrée du Bosphore, permet de stopper toutes les éventuelles incursions maritimes des Goths, d'être proche de la vallée du Danube pour prendre les barbares germaniques à revers, et d'être à l'abri des Perses tout en permettant de les observer.

De plus, Byzance est située à la frontière entre Europe et Asie, entre Occident et Orient et la possession du Bosphore permet d'avoir un contrôle sur la route maritime entre mer Noire et mer Égée. C'est un site très propice pour le commerce et les échanges, sur le tracé de la Via Egnatia, une route qui en passant par Thessalonique traverse tous les Balkans en direction du sud de l'Italie, un des passages obligés entre Europe et Asie (voir annexe 4).

C'est en outre une position stratégique qui offre à la ville des atouts défensifs indéniables, évoqués par Zosime (ligne 20). Premièrement, l'eau qui la borde sur les trois côtés avec la Propontide (l'actuelle mer de Marmara) au sud , le Bosphore à l'est et la Corne d'Or au nord rend son siège très difficile. Deuxièmement, la muraille édifiée par Septime Sévère (ligne 16) permet de retrancher la cité sur une colline (ligne 11), offrant là encore une situation très intéressante en cas d'attaque terrestre venant de l'ouest (voir annexes 2 et 3).

En résumé, Constantin, loin d'être un empereur chrétien chassé d'une Rome païenne est un homme d'état réaliste à l'esprit avisé, qui comprend vite

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