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Les îles Kouriles : un lieu de tension entre la Russie et le Japon

Par   •  21 Mars 2018  •  1 931 Mots (8 Pages)  •  745 Vues

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En outre, cette mer d’Okhotsk a la particularité d’être semblable à une mer semi-fermée, tel un lac. Les Kouriles paraissent dès lors comme une porte sur l’océan Pacifique, ce qui relève donc d’une importance stratégique tant pour la marine commerciale que pour la marine militaire de la Russie. Ainsi, passer par la mer d’Okhotsk pour ensuite traverser l’archipel des Kouriles permet dans une certaine mesure de négliger la mer de Béring et ses glaces contraignantes et, de cette manière, facilité les flux maritimes dans le but principal de regagner l’océan Pacifique sud : en contrôlant les Kouriles, les Russes peuvent faire naviguer librement leurs bâtiments de surface et leurs sous-marins nucléaires dans cet espace clé, tout en ayant la possibilité d’envisager le transport commercial.

Parmi les enjeux géostratégiques, les îles Kouriles rappellent la position de choix de la région pour les manœuvres militaires, un placement avec lequel le Kremlin comprend dès 1945 et, plus particulièrement, durant la guerre froide, tous les avantages face aux États-Unis et son allié nippon. Ce dernier étant considéré comme un “porte-avion américain”, les abords des Kouriles représentaient une ligne de défense idéale où navires et sous-marins soviétiques pouvaient prendre position. La marine russe concrétise d’autant plus sa présence dans le bassin d’Okhotsk par une imposante base militaire à Vladivostok.

L’exploitation des mers entourant les îles Kouriles, aussi bien commerciale que stratégique, qui engendre de tels conflits d’intérêts entre le Japon et la Russie, dépend en grande partie du droit international de la mer, et donc d’un cadre réglementé. Ce droit a pris un tournant décisif depuis la Convention de Montego Bay de 1982 qui distingue les espaces marins. Dès lors des territoires sous contrôle en pleine mer, la CMB permet à un État de projeter ses droits exclusifs jusqu’à 200 miles des côtes au titre de la ZEE (zone économique exclusive) auxquels on peut y ajouter 150 miles au titre du plateau continental étendu.

D’un point de vue économique de nouveau, cela accorde dans le cas présent à la Russie l’accaparement des richesses naturelles de la mer d’Okhotsk : trente zones d’accumulation de gaz et de pétrole ont été identifiées sur le plateau de la mer d’Okhotsk. Les eaux territoriales et leurs délimitations soulèvent donc des animosités entre États souverains lorsque celles-ci se croisent et quand autant d'enjeux pèsent sur ces espaces.

Ainsi, pour peser dans les relations internationales et faire entendre sa voix, les gouvernements russe et japonais n’hésitent pas à montrer leur puissance.

III. Les démonstrations de force au coeur de la géopolitique des océans

Dans cette intention de répondre aux problématiques existantes autour de la souveraineté des îles Kouriles, le jeu des pays est déterminant pour chacun dans le but d’imposer ses idées. Encore une fois, dès le début de la guerre froide, l’URSS anticipe un litige négligé par les Alliés en intégrant dans la propagande stalinienne le sentiment d’appartenance de la population russe, aujourd’hui concret, auprès des territoires au centre du conflit : les dirigeants, dans le contexte actuel aussi bien russes que japonais, investissent ainsi le terrain du nationalisme pour démontrer le profond attachement d’un peuple avec l’ensemble de ses terres, il est donc question d’illustrer sa puissance par l’unité. Une fibre patriotique chez le citoyen que l’on tente donc d’exploiter aussi sur l’archipel nippon, d’autant plus qu’un gouvernement conservateur a été propulsé à la tête du pays fin 2012, ce qui a donc de quoi alimenter davantage les hostilités.

Pour la Russie, l’enjeu est de taille car il s’agit là d’assurer sa suprématie. Céder les quatre îles revendiquées par le Japon créerait dès lors un précédent qui encouragerait d’autres nations à contester des territoires administrés jusque là par la Fédération de Russie.

Pour ne pas faillir dans son “bras de fer” géopolitique face aux Japonais, la Russie expose la force d’un pays par des démonstrations de force poussant ainsi le Japon à réagir avec virulence en condamnant les agissements russes. C’est dans cette logique que l’ancien Président russe Dmitri Medvedev s’est rendu en novembre 2010 dans les Kouriles du Sud pour réaffirmer la souveraineté de sa nation sur ces îles. Outre l’aspect symbolique de la présence d’une personnalité politique de cette envergure, Medvedev entretient un peu plus la rivalité avec le voisin japonais en se plaçant concrètement dans le champ d’action géopolitique. Par exemple, dans l’objectif de marquer les esprits, fin janvier 2010 deux chalutiers nippons essuient des tirs des gardes-frontières russes au large de l’île de Kounachir. Par sa présence, il en appelle à un soutien de l’économie locale et surtout à un renforcement militaire à la frontière avec le Japon.

Par cette politique extérieure agressive, un déploiement militaire relativement massif et des flux commerciaux sur la mer d’Okhotsk en essor, la Russie cherche à s’affirmer telle une puissance basée sur une géopolitique des océans redoutable, si tant est que son adversaire japonais en doutait.

“Kouriles du Sud” côté russe contre “Territoires du Nord” côté japonais. Ces deux expressions résument bien la confrontation entre les deux pays et la dimension idéologique que chacun souhaite voir appliquer à son profit. Ainsi, les deux nations comptent bien s’approprier ces îles dans l’optique de s’approprier les droits maritimes qui représentent la réelle motivation. Les moyens déployés s’inscrivent donc logiquement dans un cadre géopolitique où les mers et océans entourant l’archipel des Kouriles aspirent à des horizons tant économiquement (les ressources naturelles) que stratégiquement salutaires. Une dimension politique qui assimile ces enjeux et tend à répondre, par des prestations médiatiques, à cet appel décisif dans des systèmes économiques mondialisés : une volonté qui peut se résumer par l’adage “Qui tient la mer tient le monde”.

Bibliographie :

- TÉTART Frank (dir.), Géographie des conflits, SEDES, Paris, 2011 ;

- DE LA GUARDIA Ernesto, “La question des îles Kouriles”, Annuaire Français de Droit International, 1991 ;

- EVENO Charlène (Centre d’Études Supérieures de la Marine), “Le contentieux des îles Kouriles”

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