Quand vous serez bien vieille, Ronsard

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Mais si Ronsard insiste tant sur le temps qui passe, c’est surtout pour mieux faire comprendre à sa belle qu’il faut célébrer la vie. Pour convaincre Hélène de cela, il lui rappelle qu’il a le pouvoir de la rendre immortelle et il fait appel à la philosophie épicurienne. Tout d’abord, dans la deuxième strophe, le poète signale à Hélène que, si elle accepte de se laisser aimer, elle sera immortelle puisqu’il en fera le sujet de ses poèmes. Grâce à lui, tous la reconnaîtront comme la muse de Ronsard et elle vivra par conséquent éternellement :

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle

[…]

Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,

Bénissant votre nom de louange immortelle. (v.5, 7, 8)

Le champ lexical de la gloire montre bien que l’accent est mis sur les conséquences de l’immortalité : « émerveillant », « célébrait », « bénissant » et « louange immortelle », en sont des exemples éloquents. Ainsi, c’est pour contraster avec cette gloire promise que Ronsard invoque les éventuels regrets de sa bien-aimée. Selon lui, si Hélène ne profite pas de l’amour et de la renommée qu’il lui offre, elle aura ni plus ni moins refusé la vie. Pour mieux exprimer cette association entre la vie et l’amour, il fait métaphoriquement appel à la philosophie d’Épicure, le Carpe Diem : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. » (v.14). En outre, la connotation du terme « rose » permet d’associer, ici, l’amour et la vie. La métaphore de ce vers de chute donne donc à comprendre qu’il implore sa belle de profiter du moment présent et, du même geste, de l’aimer. De plus, l’utilisation insistante de l’impératif présent dans les deux derniers vers (« Vivez » et « n’attendez », v.13 ; « Cueillez », v.14) met en relief la recommandation du poète quant à l’urgence d’aimer. Conséquemment, en offrant à Hélène l’immortalité et en soulignant l’importance de profiter de chaque instant, Ronsard encourage sa belle à célébrer la vie en l’aimant. (296 mots)

En somme, par sa rigueur et la richesse de ses images, tout le texte n’est en réalité qu’un déploiement de moyens tactiques pour arriver à une conquête amoureuse. En évoquant la vieillesse nostalgique d’Hélène puis sa propre mort, Ronsard met cruellement en scène la fuite du temps. Cette première stratégie lui permet ensuite de signaler à Hélène combien son amour est une invitation à célébrer la vie : il lui promet une forme d’immortalité par la célébrité et cherche à la toucher par la philosophie épicurienne. On sait que l’amour est un thème privilégié dans l’ensemble de l’œuvre de Ronsard, mais il serait certainement intéressant d’étudier dans ses autres poèmes l’importance et la récurrence de cette pensée du Carpe Diem empruntée aux Anciens, d’autant qu’il s’agit d’une constante dans le courant humaniste. (132 mots)

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