La parole et la vérité

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La morale religieuse ou encore la pensée philosophique rejettent catégoriquement le mensonge. Kant affirme dans ce sens que: "la communication des pensées à autrui au moyen des mots qui contiennent intentionnellement le contraire de ce que pense le sujet qui parle est une fin directement opposée à la finalité naturelle de la faculté de communiquer ses pensées, un renoncement à la personnalité et au lieu de l’homme même, l’apparence illusoire de l’homme". (Kant, II, livre 1, sec. 2, § 9, « Le mensonge ».) La parole mensongère n’est qu’apparence illusoire, une fausse représentation, une image fabriquée qui n’est aucunement conforme à la réalité authentique.

- Parole et vérité dans le cadre de la philosophie antique :

Le rapport parole et vérité est au centre de la philosophie antique. Conçue comme une parole rationnelle ou parole vraie (logos) la philosophie, rejette toute frome de rhétorique qui ne fait de la vérité sa quête ultime. Le rejet de la sophistique est dû au fait que les sophismes reposent sur une rupture et un schisme total entre la parole et sa dimension éthique.

Contrairement au principe Platon faisant de la vérité le principe de toute parole, les sophistes ne reconnaissent pas l'aspect déontologique du langage. Ils affirment qu’il n’y a aucune vérité à chercher via le recours à la parole : Selon eux, tout est relatif même quand il s'agit de la morale. Protagoras affirme dans sa célèbre phrase que: « L’homme est la mesure de toute chose, de celles qui sont en tant qu’elles sont comme elles sont, de celles qui ne sont pas, en tant qu’elles ne sont pas comme elles ne sont pas ». La voix de la vérité se perd dans le tumulte des mensonges, et la parole n'est plus un moyen de dire le réel, ni l’instrument pour le transcender vers les vérités intelligibles éternelles : (Platon)Elle devient cependant un simple instrument de persuasion et de manipulation mis au service du plus offrant.

- Parole et vérité du point de vue religieux :

Dans les Ecritures saintes, La Bible comme le texte coranique, La parole mensongère et manipulatrice du diable était à l'origine de l'expulsion d'Adam et d'Eve du paradis.Dans toutes les religions, le mensonge est un péché. Dans la bible, Satan est désigné comme le « père du mensonge », on dit aussi de lui que « sa façon normale de parler c’est de dire des mensonges ». Il s'oppose par là à Jésus qui se définit comme étant la Vérité et comme disant la vérité. La bible interdit clairement l'acte de mentir: « Renoncez au mensonge et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain. » la parole de Paul aux Ephésiens 4, 25.

- Les conditions d’une parole de vérité ou le devoir de la parole vraie :

La vérité est une valeur absolue qui n'accepte pas d'être modelée selon l'espace, le temps ou les désirs des personnes. De même, dire la vérité c'est dire toute la vérité telle qu'elle sans addition ni omission, et sans aucune modification. Pour qu’elle soit le reflet de la vérité la parole doit donc répondre à deux impératifs fondamentaux : l’Exhaustivité et l’exactitude.

La vérité est l'un des principaux fondements de la justice. Juger de façon équitable, nécessite de connaître la vérité et toute la vérité sur le litige ou le conflit objet du jugement. Les témoignages des témoins, qui rapportent les faits, permettent au juge de se prononcer lors d'un procès en acquittant un parti et en inculpant l'autre.

Mentir consiste à dénaturer la parole, à faire d'elle, non le moyen du dévoilement de la pensée, mais de son voilement.

Il s'avère donc que le mensonge est un crime social et déontologique. Il détourne la parole de sa fonction initiale qui est celle de dire le monde et de dire l'être et de relier les hommes.

S'il est du devoir de l'homme ordinaire de dire la vérité, ce devoir là est beaucoup plus imposant lorsqu'il s'agit des écrivains, véritables porte-paroles, qui ont pour lourde responsabilité non seulement de dévoiler mais de répandre la vérité afin d'éveiller les consciences et d’opérer. Ces émissaires du mot, qui agissent par la parole, sont appelés à s'engager dans la vie sociale et à faire de l'énonciation une dénonciation dans le but d'opérer un vrai changement. Sincérité et courage sont ce qui rend la voix des écrivains retentissante. En ces mots Sartre présente sa conception de l'écrivain engagé: "L'écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi … »

- La parole peut-elle renoncer à la vérité ?

Beaucoup de philosophes revendiquent le droit de mentir quand il est nécessaire. Ils refusent la conception intransigeante de Saint-Augustin et Kant,Kant affirmant lui-même que: « c’est donc un commandement de la raison sacré, absolument impératif et que ne peut limiter aucune convenance : que d’être véridique (honnête) dans toutes ses affirmations ». :

Stuart Mill donne l'exemple de certaines situations où la parole n’a pas à être conforme au vrai et au réel ! La disproportion entre la parole et la vérité devient légitime quant elle évite un mal plus grand: « c’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même [dire la vérité], aussi sacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi – et c’est la principale – dans le cas où, pour préserver quelqu’un (et surtout un autre que soi-même) d’un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait … ». La parole dissimulatrice n’est donc pas toujours récusée, ni considérée comme immorale.

Par ailleurs, il est à remarquer que dans un environnement sociopolitique où la vérité n'est pas toujours la bienvenue, se taire, mentir ou ruser deviennent une simple stratégie de survie. Dire la vérité n'est pas toujours synonyme de courage, il peut être celui d'imprudence:"Un peu de sincérité est chose dangereuse, beaucoup de sincérité est chose fatale" Oscar Wilde.

- Parole et vérité en politique : suffit

La parole est un instrument de pouvoir. L’homme politique s’en sert généralement pour des fins pragmatiques sans se soucier de la concordance de la parole avec l’acte ou l’intention réelle. Le

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