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La force des procédés comiques à l’intérieur de la pièce Le bourgeois gentilhomme de Molière

Par   •  4 Novembre 2018  •  3 730 Mots (15 Pages)  •  702 Vues

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Monsieur le Philosophe.

MAÎTRE À DANSER : Diantre soit de l’âne bâté !

MONSIEUR JOURDAIN : Messieurs.

MAÎTRE DE PHILOSOPHIE : Scélérats !

MONSIEUR JOURDAIN : Monsieur le Philosophe. (BG : 60)

Cette insistance de la part de Monsieur Jourdain comporte deux aspects. Tout d’abord, la répétition entraîne avec elle une situation cocasse, d’autant plus qu’il y a une alternance entre les répétitions, ce qui semble renforcir le côté humoristique. Puis, l’insistance du protagoniste met de l’avant son incapacité à maîtriser la situation. Ses interventions n’ont aucun impact sur les maîtres, indiquant alors un véritable manque de communication. Comme le mentionne Olivier Bloch dans l’un de ses articles publié dans la revue Tangence, « il est clair que l’incommunicabilité est un thème récurrent de la comédie moliéresque et un des ressorts majeurs de son comique . » Monsieur Jourdain est emprisonné à l’intérieur de cette incommunicabilité, ce qui fait évidemment rire les spectateurs, mais attaque directement le personnage en soi, son titre et son aspiration à la noblesse. Il veut accéder aux plus hautes sphères de la société, mais il n’est pas en mesure de ramener à l’ordre quelques hommes qu’il a jadis demandés. Le contraste est puissant et ne va pas sans rappeler l’infériorité dont il fait preuve lors de l’apprentissage de ses voyelles. Revenons justement à cette scène, puisque peu après la leçon du Maître de Philosophie, Monsieur Jourdain lui pose une question particulière :

MONSIEUR JOURDAIN : […] Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment. […]

MAÎTRE DE PHILOSOPHIE : On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien […].

MONSIEUR JOURDAIN : Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?

MAÎTRE DE PHILOSOPHIE : Celle que vous avez dite […].

MONSIEUR JOURDAIN : Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. (BG : 75-76)

À l’intérieur de ce passage, ce n’est pas un mot en particulier, mais bien une phrase entière, remaniée et répétée de toutes les façons possibles, qui conduit vers un effet comique. Le Maître de Philosophie propose toutes les manières syntaxiques possibles pour écrire la phrase de Monsieur Jourdain. En plus de faire sourire les spectateurs, ce moment du second acte défavorise le protagoniste. Il démontre un manque d’habileté avec la langue française et une naïveté incontestable, puisqu’il croit avoir trouvé la meilleure tournure possible du premier coup, sans études. Bref, le comique de mots contribue certainement à ridiculiser Monsieur Jourdain, entre autres par le langage transformé et les répétitions voire excessives.

La deuxième partie de cette analyse se concentrera sur le comique de situation. Ce procédé « se produit par la situation d’un personnage : l’arroseur arrosé, un quiproquo, etc . » En fait, ce procédé comique tire sa force d’un amas d’événements engendrant ainsi une situation particulière, loufoque ou ridicule.

Le bourgeois gentilhomme renferme de nombreuses situations comiques. Tout d’abord, il nous est possible d’avancer que Monsieur Jourdain est la risée des autres personnages et du public. Dès le départ, le costume du personnage principal provoque à lui seul un puissant effet humoristique. La réaction de Nicole, à l’acte trois, ne pouvant plus s’arrêter de rire, reflète parfaitement ce qu’est le comique de situation :

NICOLE : Monsieur, je ne puis pas m’empêcher. Hi, hi, hi, hi, hi, hi.

MONSIEUR JOURDAIN : Tu ne t’arrêteras pas ?

NICOLE : Monsieur, je vous demande pardon ; mais vous êtes si plaisant, que je ne saurais me tenir de rire. Hi, hi, hi.

MONSIEUR JOURDAIN : Mais voyez quelle insolence.

NICOLE : Vous êtes tout à fait drôle comme cela. Hi, hi.

MONSIEUR JOURDAIN : Je te…

NICOLE : Je vous prie de m’excuser. Hi, hi, hi, hi. (BG : 87-88)

C’est à la fois la réaction de Nicole et la fierté échaudée de Monsieur Jourdain qui, entremêlées, répondent aux critères du comique de situation. Il faut avant tout savoir que « le costume est un moyen aisé et quotidien qui permet de gagner une reconnaissance immédiate . » Ainsi, le protagoniste est nécessairement fier de son costume qui, selon sa vision personnelle, semble être une réussite et un signe de noblesse. Pourtant, son espoir se retrouve vite démoli, car la réaction presque insultante de Nicole, avec ses rires répétitifs et incontrôlables, vient véritablement choquer Monsieur Jourdain :

MONSIEUR JOURDAIN : J’enrage.

NICOLE : De grâce, Monsieur, je vous prie de me laisser rire. Hi, hi, hi.

MONSIEUR JOURDAIN : Si je te prends… (BG : 89)

Il devient une figure humoristique malgré lui et semble en être affecté, car sa réaction devient de plus en plus intense. Visiblement, « l’importance du vêtement pour parachever son identité sociale est perçue avec une force accrue par Monsieur Jourdain, fils de drapier . » Les différentes réactions négatives sont à la fois comiques pour le public, car l’habillement ne semble pas convenir au bourgeois, et démoralisantes pour l’homme qui s’attendait à avoir des commentaires positifs.

De plus, tant les personnages que le public peuvent se moquer de la naïveté et du manque de connaissances générales de Monsieur Jourdain. En reprenant la scène des voyelles mentionnée dans la partie précédente, il nous est possible de créer des liens étroits entre le comique de mots et le comique de situation. En effet, cette scène fait rire par la déambulation des différents sons créés par la prononciation des voyelles, mais elle fait aussi rire en raison de son absurdité. Cette absurdité est perceptible à travers différents détails de la scène : les répétitions exagérées

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