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Delacroix, La liberté guidant le peuple

Par   •  8 Novembre 2017  •  2 334 Mots (10 Pages)  •  851 Vues

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Les insurgés sont figurés à hauteur d’homme, donc plus bas que la Liberté debout sur la barricade, et de la tête aux pieds, avec de l’air au-dessus d’eux pour qu’on voit un bout du drapeau, et de l’air à droite pour qu’on voit Notre-Dame. Mais la scène est coupée. On le remarque en haut avec le drapeau ; à gauche, avec le garçon accroupi derrière la barricade ; et à droite, avec le soldat mort. Ces choix renforce notre proximité avec la Liberté qui nous domine et rapproche le moment où elle nous rejoindra.

b. – Une déesse parmi les hommes

Le peintre magnifie la Liberté en la traitant comme une déesse. Profil grec, nez droit, elle porte une tunique dont le drapé[11] rappelle celui des statues antiques. Le mouvement du bras fait glisser son vêtement au-dessous des seins, apparaît alors un corps de Vénus[12]. Autour d’elle, le soleil couchant éclate dans la fumée du combat et forme une aura[13]. La composition aussi glorifie l’héroïne. Une ligne, montant du fusil du bourgeois au manche du drapeau et redescendant le long des bras de la Liberté jusqu’à la giberne[14] du gavroche, forme une pyramide ayant pour base les cadavres au sol. Au sommet de cette figure géométrique, culmine le poing levé de la Liberté. Ce qui est remarquable, c’est que malgré ce traitement de déesse, la Liberté reste humaine. Elle a une bouche généreuse, les joues empourprées par l’effort et des poils sous les bras. Dans la main gauche, elle tient un fusil à baïonnette, une arme de 1830. Delacroix glorifie la Liberté mais n’en fait pas un pur esprit, elle fait partie des hommes.

c. – Les trois couleurs

L’utilisation de la couleur étonne. Aucune trace de vert ni de violet, partout du gris-brun. Hormis le jaune de la tunique portée par la Liberté, les seules couleurs pures sont le bleu, le blanc, le rouge, les couleurs du drapeau tricolore. Elles éclatent sur le drapeau, les uniformes, sur le journalier mortellement blessé, véritable drapeau vivant. Mais elles sont aussi présentes par petites touches dans le ciel et au fond en haut des tours de Notre-Dame. En fait, elles sont présentes dans tout le tableau. Delacroix a compris qu’on peut agir sur les esprits en créant des milliers de petites perceptions inconscientes. « La couleur, écrit-il dans son Journal, n’est rien si elle n’est convenable au sujet et si elle n’augmente pas l’effet du tableau par l’imagination. »

E. – Les points faibles

Louis-Philippe achète le tableau et passe à l’auteur des commandes importantes. Mais il n’expose pas la toile dans son musée d’histoire de France au château de Versailles, où celle-ci aurait pourtant eu sa place. L’œuvre de Delacroix ne convient pas à Louis-Philippe, parce qu’elle met en scène un peuple qui se libère lui-même, guidé par un idéal et non par un chef. Pour le roi des Français, ce peuple apparaît comme une force inquiétante. Le tableau est aussi rejeté par les républicains qui y voient un message bonapartiste. La Liberté guidant le peuple choque également les critiques de l’époque qui estiment que Delacroix, en mélangeant des choses nobles et des choses ordinaires, n’a pas respecté les règles académiques[15]. Selon eux, une allégorie ne doit pas être réaliste car elle exprime un idéal. Le fusil et surtout les poils paraissent crus, ils heurtent la pudeur et sont jugés obscènes. Même chose pour la chaussette bleue sur le cadavre de gauche, qui ne peut pas être associée à une chose aussi sacrée que la mort. L’œuvre, terminée en décembre, est exposée en mai 1831. Ensuite le tableau disparaît. Il faudra attendre 1874 pour le voir au Louvre.

F. – Les points forts

La critique de 1831 rejetait un des points forts du tableau. La coprésence de choses nobles et ordinaires, l’alliance d’éléments incompatibles crée des chocs qui constituent une première série de forces. Notons que Delacroix a volontairement peint le cadavre en chemise comme une figure académique, couchée sur le dos et les bras écartés, et qu’il y a intentionnellement associé une chaussette, comme le montre la disposition de celle-ci au centre du tableau dans le sens de la longueur. Les secondes forces visibles sont les deux axes qui attribuent au spectateur une place entre les insurgés et les soldats du roi, à partir de laquelle il doit choisir un rôle : rester simple témoin ou s’engager aux côtés de la Liberté. La troisième force est une force de vibration, celle des couleurs franches, disséminées et exacerbées sur du gris coloré, qui jouent entre elles et créent des rythmes. Il y a encore beaucoup d’autres forces. Le tableau d’Eugène Delacroix dépasse tout ce qu’on attend de la peinture en 1831. La Liberté guidant le peuple est l’œuvre d’un créateur.

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