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Puis-je juger ma propre culture?

Par   •  4 Juillet 2018  •  2 325 Mots (10 Pages)  •  494 Vues

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Mais malgré cette légitimité à juger sa culture, il est impossible de juger objectivement sa culture.

Il est nécessaire de comparer sa culture à d’autre, de la confronter aux autres pratiques. Pour pouvoir juger une culture, il faut pouvoir lui donner une valeur de qualité, de trouver un critère absolu. Le philosophe Allemand Hegel pensait avoir trouvé une manière acceptable d’établir une hiérarchie de culture. Il avait jugé que la culture Allemande était, à son époque, c’est à dire au 19ème siècle, à l’apogée et que son système était le meilleur qu’y soit. Selon lui, une culture se jugeait sur sa capacité à fuir l’ignorance et la servitude pour atteindre la liberté et la connaissance. Ainsi l’instauration d’une nouvelle constitution en Allemagne prônant la liberté apparaissait pour lui comme suffisant pour placer la culture Allemande comme une référence. Hegel dressa donc une comparaison avec les autres cultures créant ainsi une hiérarchie de culture. Il plaçait les peuples africains en dernier, même en dehors de toute culture. Or plusieurs éléments s’opposent à cette théorie :

- Premièrement, Hegel n’a jamais voyagé. Il ne connaît pas les peuples Africains mais seulement des histoires racontées sur eux. Or, ces histoires étaient écrites par les marchands d’esclaves qui étaient les seuls à connaître l’Afrique. Ces écrits étaient donc empreints de racisme et ne dépeignaient pas les cultures africaines mais plutôt le peuple Africain. Hegel établissait alors une hiérarchie de race : du racisme. De plus, nous avons vu plus haut qu’il était nécessaire de connaître une culture pour la juger. Hegel n’est donc pas légitime dans sa démarche de classification des cultures.

- Deuxièmement, Hegel appartient à la culture Allemande. Il partage donc ses valeurs, réfléchit selon un certain modèle. Toutes ses réflexions sont filtrées par cette appartenance à la culture Allemande. Hegel n’a donc pas de critère absolus, mais absolutise les valeurs Allemandes.

Il apparaît donc impossible de procéder à une classification des cultures donc de comparer des cultures car notre vision est altérée par nos valeurs culturelles.

S’ajoute à cette impossibilité de comparer la notion d’ethnocentrisme portée par Montaigne essentiellement, dans ses Essais au chapitre Des Cannibales dans lequel il nous montre que nous qualifions de parfaites nos valeurs et que nous rapportons toute autre culture à nous en la comparant à nos pratiques. Il est alors d’usage d’appeler sauvages les peuples qui ne nous ressemblent pas. Hors il n’y a rien de barbare ou sauvage dans un peuple qui vit proche de la nature, dans le respect de la Terre Mère pendant que nous détruisons toute œuvre naturelle et que nous détournons la nature. Les sociétés occidentales par exemple, ont décrété qu’elles étaient les plus avancées une fois de nouveaux territoires conquis, en référence aux populations nouvellement colonisées. Cette supériorité affirmée est la conclusion d’un ethnocentrisme tendant à considérer un modèle culturel, en l’occurrence le sien, comme valant tous les autres, et donc à dévaloriser toute structure sociétale qui n’en a pas les caractéristiques. L’ethnocentrisme vise ainsi l’uniformisation, au mépris de la diversité culturelle, traitant celle-ci d’ailleurs comme un marqueur pour démontrer la supériorité d’un groupe sur tous les autres qui ne lui ressemblent pas. Cette tendance n’est pas nouvelle. Les grecs raisonnaient déjà ainsi, comme l’explique Claude Lévi-Strauss dans Race et histoire : « Ainsi l’Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas à la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare : la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens…Dans les deux cas, on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle. » Ainsi, celui qui vit différemment prend le qualificatif de barbare, ou encore de sauvage. Il ne peut y avoir qu’un modèle civilisé, telle est la poussée ethnocentrique qui tend vers l’absolu, en excluant tout interstice relativiste. Il n’est pas de culture plus primitive que d’autres : « En vérité, il n’existe pas de peuples enfants : tous sont adultes, même ceux qui n’ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence. » L’analyse de Lévi-Strauss renverse la pensée classique. Avant lui, Montaigne déjà s’était engagé dans une réflexion à contre-courant des idées dominantes : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassions en toute sorte de barbarie. » A l’époque, l’auteur des Essais s’insurge avant tout contre les cruautés des guerres de religion. La vision de Montaigne est plus un ethnocentrisme à l’envers, pour dénoncer la barbarie de ses contemporains, comparativement à d’autres cultures qui n’ont pas atteintes un tel niveau d’horreur en leur sein. Montesquieu plus tard, ira plus loin que Montaigne, notamment avec les Lettres persanes. Un étranger, de confession musulmane, analyse les mœurs françaises, et s’indigne de tant d’inégalités et du peu de considération par les soi-disant élites pour le peuple. Dérouté, mais surtout scandalisé, il en vient à se demander comment l’on peut être français. Ce n’est pas tant cette interrogation qui importe, mais le constat que tout jugement, quelle que soit la position de celui qui juge, se construit avec des codes culturels qui sont ancrés dans une civilisation donnée, particulière, et n’ont donc rien d’universel. Ainsi, au sujet de la diversité culturelle, aucune comparaison, aucune hiérarchisation, n’est admissible, car aucun modèle n’est plus légitime qu’un autre. A propos de la culture, des civilisations, il ne peut être question de comparer, mais bien plus d’échanger.

De plus, si l’on considère que partager une culture c’est partager les mêmes valeurs, la légitimité à juger, dont nous parlions tout à l’heure, basée sur la possible critique de notre culture peut poser un problème certain. En effet si je m’oppose à ma culture, est ce que je partage alors les mêmes valeurs ? Suis-je alors encore inclut dans cette culture ? Si je ne reconnais plus les valeurs de ma culture et que je les critique sans cesse, je ne peux plus alors me considérer comme faisant partie de cette culture. Je critiquerai donc une culture que je comprends mais qui ne sera plus la mienne. Je ne peux donc juger ma culture. Pour ce faire il faudrait se dédoubler et pouvoir juger à la fois de l’intérieur (connaissance) et de l’extérieur (possibilité de critique). Mais

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