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Commentaire de l'incipit d'Indiana

Par   •  29 Août 2018  •  2 698 Mots (11 Pages)  •  606 Vues

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acariâtre. - un vieux tyran : le narrateur devenu momentanément omniscient nous informe sur sa position (« maître de maison ») son état civil (colonel Delmare) et son passé (« vieille bravoure », « ancien militaire »). Le portrait se penche ensuite sur son physique (« jadis beau… moustache grise ») qui ouvre sur un portrait psychologique (« œil terrible…chiens »). Le portrait devient ironique (« excellent maître ») pour souligner l’aspect tyrannique du personnage habitué à commander. - un militaire reconverti dans l’industrie : les expressions à connotation souvent dysphoriques (« roideur convenable », « contentement perpétuel ») montrent un vieux (« rhumatismes ») militaire nostalgique et plein de rancune (« jours d’éclats » # « en retraite » « oublié » « ingrate » « condamné ») ; même ses succès ne font qu’accroître son mauvais caractère (« industriel heureux » # « humeur »). - un jaloux : le portrait psychologique fonctionne régulièrement par hypallage (« bâillement mélancoliques », « regard lucide et profond ») pour donner malgré la focalisation externe une profondeur, une intériorité au personnage. L’expression du regard marque la surveillance attentive de sa femme : « œil attentif qui couvait » « œil de vautour ». Cette attitude jalouse est récurrente (« trois ans ») mais semble n’être plus qu’une habitude « pour s’occuper » (la suite du texte confirmera que Delmare ne voit plus en Ralph un danger). - un sorcier : les jeux de lumière le font finalement ressembler à un « sorcier ». Figure dominante, « maître » de la parole et de la lumière, il possède un « charme » sombre. Toutefois, cette transfiguration n’est proposée qu’avec des précautions (« on eût dit » ; « ressemblait assez ») qui jettent un doute sur la réalité de son pouvoir. 4 b. Indiana, une jeune femme étouffée. - Indiana n’est pas nommée. Elle se définit immédiatement par son statut social, « femme » de Delmare « depuis trois ans ». Son portrait est très rapide, accentuant encore la domination et l’inexistence du personnage. Elle est pourtant la protagoniste du roman, le personnage principal. De même que dans l’excipit, ce sont les hommes qui dominent. - son physique reste très obscur. Elle est belle (« trésor »), elle est « jeune », sa pose est évoquée avec son « coude » et son « genou » mais sans qualification particulière. Sa beauté apparaît mais de manière détournée : « précieuse » et par une comparaison (« semblable à une fleur ») faite pour marquer le décalage de sa fraîcheur juvénile et du cadre empesé. - une femme fragile : champ lexical dominant : « trésor fragile et précieux » « fluette », « pale »… - le contraste de la jeunesse et de la vieillesse, un portrait croisé avec Delmare. - un être triste et à plaindre : insertion du portrait et choix d’énonciation surprenants. S’ouvre pas un « Car » justificatif. On passe ainsi du colonel à sa femme sur le mode de la justification, à nouveau avec un retour à la narration omnisciente (« dix-neuf ans »). Adresse au lecteur pour l’inciter à une réaction sensible (« vous eussiez plaint ») mais au conditionnel passé, qui indique une médiation du regard par le narrateur. Le narrateur voit, et transmet l’émotion au lecteur. Il faut le croire. Dramatise la scène, attire puissamment l’attention sur ce personnage qui pourrait sembler secondaire. Compense par l’effet émotionnel la faible place dans le texte. c. Le mystérieux troisième personnage. - Ralph n’est pas non plus nommé, on ne sait même pas sa position vis-à-vis des deux époux. Il reste jusqu’au bout « l’homme assis ». Crée un mystère autour de lui, d’autant que son portrait est un mélange de qualités et de défauts. - Portrait physique globalement mélioratif : jeunesse, tenue, « vigueur », « beauté de ses mains », « élégance de son costume ». - cependant l’ensemble du portrait est péjoratif : « traits régulièrement fades ». Le narrateur joue de l’hyperbole paradoxale en préférant Delmare au jeune homme. Il use d’un détour rhétorique en invoquant le jugement du « moins artiste des hommes », accentuant encore l’hyperbole dépréciative. - ce qui est alors jugé est moins son apparence physique que l’absence de caractère qui s’en dégage. La fadeur du personnage est précisée par une ultime comparaison avec un « cavalier » désirable du siècle de Louis XV, moment du raffinement extrême des mœurs et des apparences, le siècle policé par excellence. Par différence avec « le goût philosophique », c’est-à-dire des Lumières, le narrateur promeut une esthétique du caractère fort, tranché. - Le double croisement des portraits : Ralph est comparé à Delmare, et il est mis en parallèle du portrait d’Indiana par juxtaposition de leurs caractéristiques principales : « cette femme frêle et souffreteuse et cet homme dormeur et bien mangeant ». Le portrait de Ralph est donc l’occasion de bien distinguer, individualiser chacun. 5 d. Un portrait détonant, la chienne Ophélia. Le groupe des trois personnages partage la « gravité » (« gravement occupées », « il arpentait avec gravité »), la tristesse et l’ennui. La chien est isolée par son caractère (« seule figure heureuse »), mais aussi par la syntaxe avec une tournure présentative (« c’était… ») qui annonce un nouveau personnage imprévu. Effet de surprise, non mentionnée dans l’esquisse générale du début + animal absent du roman traditionnel. Ici à l’inverse, élevé au même rang que les autres. - une description physique très précise insistant sur la beauté majestueuse de la chienne. - un être personnifié, doué de sentiments : « spirituelle physionomie » « mélancolie », « tendresse ». Permet la revalorisation de « l’instinct » partagé par l’homme et l’animal, aux dépends de la « raison ». Continue la critique du « goût philosophique » entamée avec le portrait de Ralph. Derrière les portraits apparaît discrètement un manifeste philosophique typique du romantisme. Transition : C’est l’aboiement d’Ophélia et son premier mouvement qui va clore l’incipit en réouvrant la scène à la parole et à l’action, juste après notre extrait. Notre scène, si elle est presque figée, présente cependant déjà quelques éléments de narration qui créent une attente et un début d’intrigue. 3. L’atmosphère pesante d’une soirée silencieuse Le silence et l’immobilité permettent la description artistique et la transfiguration onirique de la scène. L’action commence en sourdine par quelques mouvements répétitifs. a. Une scène figée où l’on regarde plus que l’on n’agit : le point de vue changeant du narrateur. - une immobilité régulièrement rappelée, liée au champ

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