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Une vie, Maupassant, chapitre 1, commentaire

Par   •  23 Juin 2018  •  1 398 Mots (6 Pages)  •  1 768 Vues

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- Le portrait de Jeanne

a. Le regard du narrateur : le choix du réalisme.

Le portrait de Jeanne est écrit d'un point de vue interne omniscient, focalisation coutumière de l'exposition romanesque. Le champ lexical du regard apparaît deux fois, comme si le narrateur voyait réellement son personnage : « qu'on apercevait un peu quand le soleil la caressait » (l.17), « qu'on les distinguait à peine » (l.23). A ce procédé qui vise à renforcer l'illusion romanesque s'ajoutent le verbe modalisateur « sembler » dans « elle semblait un portrait de Véronèse » (l.14), « Sa voix semblait parfois trop aiguë » (l.25) et la comparaison « on aurait dit » qui donnent l'impression d'un regard subjectif sur la jeune fille. De plus, le narrateur ne dresse pas un portrait figé ni intemporel, il indique les changements liés à la lumière du soleil (l.18), et les données occasionnelles, marquées par des adverbes de temps, « parfois » (l.25), « souvent » (l.26). L'imparfait n'est pas seulement descriptif comme dans « ses yeux étaient bleus », il peut être répétitif : « elle portait ses deux mains à ses tempes » (l.17). Ces procédés participent d'un réalisme qui cherche à effacer la frontière entre narration et description et entre réel et fiction.

b. Une beauté fade.

On est frappé de la brièveté du portrait physique qui se résume à deux courts paragraphes. On est loin des longs portraits d'un Balzac. Le narrateur offre plutôt une esquisse privilégiant le visage et le buste. Son visage à la pâleur aristocratique laisse une impression de fadeur : le blond délavé des cheveux se confond avec la blancheur de sa peau, le duvet est « pâle », le bleu des yeux est « opaque » et donne lieu à la comparaison peu flatteuse « des bonhommes en faïence de Hollande » (l.19) qui détone avec la référence picturale à Véronèse. Les tournures comme « à peine nuancée de rose », « un léger duvet », « une sorte de », traduisent le manque d'individualité et de personnalité du visage. Le gros bien saugrenu sur les deux grains de beauté dont le deuxième est assorti de poils indistincts, interdit de tout sentiment d'admiration et achève e banaliser la jeune fille. Même sa voix pourtant « nette' n'est pas parfaite « parfois trop aiguë ».

c. Sensualité, vitalité et spontanéité.

Le narrateur compare implicitement Jeanne à une plante gorgée de vie : elle est « pleine de sèves », « mûre de poitrine », « radieuse » et répand la joie autour d'elle (l.26). Les pluriels et la répétition de l'indéfini « tout » expriment sa vitalité d'adolescente, pleine « d'appétits de bonheur » (l.10), elle est avide de « toutes les joies », de « tous les hasards » (l.11). Sa poitrine mature, sa taille « ondoyante » et la coquetterie inconsciente de son geste lissant ses cheveux trahissent une sensualité latente. La fin du texte confirme le tempérament spontané de Jeanne.

- Les rêves d'une jeune fille sans expérience.

Le portrait moral de Jeanne vient contredire partiellement les projets du baron. Loin d'être un havre protecteur, le couvent a stimulé de manière excessive l'imagination de la jeune fille. L'esprit de Jeanne n'est pas cette terre vierge souhaitée par son père mais un champ saturé de rêves et d'espoirs. L'énumération ternaire « le désœuvrement des jours, la longueur des nuits, la solitude des espérances » (l.11) accentue l'impression d'ennui par le vague des substantifs et explique le rôle déformant de la rêverie dans l'âme de Jeanne.

Conclusion

Les deux traits dominants qui se dégagent du portrait de Jeanne, fadeur et vitalité, sont a priori contradictoires ? La pâleur de sa chair est un signe d'appartenance à l'aristocratie (l.17), la classe déclinante : elle préfigure aussi le manque d'énergie morale qui engourdira l'âme de Jeanne devant l'adversité. Sa vitalité exprime l'appétit de vivre.

Cette page illustre le réalisme de l'auteur : Jeanne est son père y apparaissent d'abord comme des représentants types de leur groupe social et l'héroïne échappe à toute idéalisation : elle n'est ni exceptionnellement belle, ni douée de qualités remarquables.

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