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Plan Detaille sur Delfica de Nerval

Par   •  14 Mai 2018  •  3 725 Mots (15 Pages)  •  1 235 Vues

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1er quatrain. Il est comme figé dans le passé d’un souvenir précis par l’imparfait et pourtant toujours appartenant au présent dans le 2ème quatrain. La prophétie et l’espoir arrivent dans le premier tercet sous la forme d’un retour du passé par les futurs qui projettent le passé dans l’avenir (futur simple « reviendront » et futur proche « va ramener »), corroborée par un passé composé qui indique un signe précurseur positif (« la terre a tressailli »). Mais le présent du vers 13 associé à un verbe statique vient décevoir ce mouvement euphorique (« est endormie »), ce qui est confirmé par un nouveau passé composé qui indique un signe précurseur négatif (« rien n’a dérangé »). La multiplication des adverbes de temps (« toujours », « toujours », « encor ») confirme ce mouvement cyclique de réincarnations et de métempsycose. Entre le JE absent et le TU indéterminé s’instaure un dialogue éternel, celui du poète avec la femme aimée, inauguré par Apollon et Daphne – initiation à l’amour et à la poésie –.

II : Un mythe religieux : le syncrétisme

1) La religion païenne

- L’attente du retour des Dieux… : le poème est clairement dans une posture d’attente. Il interroge des signes et cherche à y voir la prédiction que le passé inerte dans le présent va renaître. Les 5 compléments circonstanciels de lieu dans le premier quatrain et les 3 compléments d’objets directs qui font référence à des lieux mais surtout à des Dieux indiquent bien une quête de signes cachés « sous » ou bien « au pied ». La métaphore du sommeil (inversion du sujet au v. 8 qui rapproche « dort » en début d’hémistiche de « vaincu » à la césure, reprise de la famille lexicale avec « endormie » v. 13) appelle celle du réveil de la religion antique. Les nombreux préfixes en RE- confirment la notion d’espoir (« recommence », « reconnais », « reviendront », « ramener »). Le poète est donc dans la même posture que l’Ange de la Melencolia de Durer, il attend qu’un monde divin se réveille et revienne dans un monde humain plongé dans les ténèbres de la mort des Dieux et du triomphe passager de l’ignorance.

- …Grecs et Latins : les vers 9 et 10 qui ont une rime significative « toujours » / « jours » et placent « Dieux » et « ramener » à la césure insistent sur l’espérance tout en faisant référence à la quatrième des Bucoliques de Virgile, d’inspiration pythagoricienne (texte 1), qui prédit l’arrivée d’un nouvel Age d’Or, dont Nerval avait placé un temps un vers en épigraphe à ce poème. La référence aux Métamorphoses d’Ovide (qui raconte les amours de Daphné et Apollon), fait également signe vers le thème du renouveau religieux. Ces deux poètes latins s’inspirent eux-mêmes des Grecs, par un glissement qui fait songer à la translation de « Dafné » la Grecque (mais orthographiée sous une forme latine) vers la « la sibylle au visage latin » qui fait songer au passage du « TEMPLE » d’Apollon à l’Arc de Constantin ou à la latinisation de Daphné en « Dafné » et de Delphes en « Delfica » (dans un retour vers cette ville qui était le centre et le symbole de l’unité du monde grec, symbolisée par la présence du temple panhéllénique). Le poète attend en remaniant des références et en les assemblant en une chanson-offrande-prophétie greco-latine.

2) La religion chrétienne

- Les symboles : le poème ne fait pas seulement référence à la religion paienne greco-latine, il fait signe vers le christianisme. Ainsi, les végétaux attribués aux dieux antiques peuvent aussi l’être à l’univers chrétien. L’olivier appartient au Christ (voir le poème « Le Christ aux Oliviers » dans Les Chimères)et à la Bible comme symbole d’espoir. Le saule servit dans la Bible pour la fête des Tabernacles. Le sycomore est associé à la régénération et au passage du Christ dans la Bible. Le laurier est un symbole d’éternité (et de chasteté). Le myrthe se rapporte au prophète Isaie dans l’Ancien Testament. De la même façon, les lieux sont chrétiens. A Rome, « l’arc de Constantin » v. 12, un arc de triomphe qui fut inauguré en 315 par le premier empereur chrétien, contient une inscription disant qu’il a été sous l’inspiration de la divinité (« instinctu divinitatis » abréviée). Les Chrétiens y voient un symbole de sa conversion au christianisme.

- Les spolia : ce mot est un terme d’architecture qui désigne le fait de réemployer des morceaux de monument pour en construire un autre. « L’arc de Constantin » en est un exemple frappant. Pressé par le temps, mais aussi fasciné par ses prédécesseurs, l’empereur utilisa des morceaux de monuments et de sculptures qui se rapportaient aux dieux paiens et au empereurs précédents. Ainsi, la formule « instinctu divinitatis » est suffisamment vague pour se rapporter aussi bien au dieu chrétien qu’à Apollon. Comme les Latins avaient pris aux Grecs, les Chrétiens ont récupéré les vestiges du passé. Nerval fait de même avec les chansons oubliées, les religions délaissées et les mythes primitifs. On voit donc comment la récupération syncrétique en matière de religion sert de modèle pour l’invention poétique chez Nerval qui choisit ses signes pour leur ambiguité. Ainsi avait fait Constantin avec sa formule ambigue, ainsi avait fait l’empereur Auguste qui, comme il n’y avait pas de sibylle à Rome, fit venir la sibylle tiburtine qui lui révéla la vision d’une vierge immortelle sur l’autel de Junon, ainsi avait fait la tradition chrétienne avec La 4ème des Buccoliques de Virgile, qui annonçait elle aussi la venue d’une Vierge mais qui sera réinterprétée ultérieurement comme étant Marie. Cette leçon pragmatique de syncrétisme Nerval en avait vu de nombreux exemples lors des visites de ruines de son Voyage en Orient (l’arc paien et chrétien de Constantin, les vestiges chrétiens à Delphes, l’église de Tibur construite avec des morceaux de basilique romaine, l’utilisation du temple de Tivoli comme chapelle).

3) La religion ultime

- La religion finale : finalement Nerval ne fait l’apologie d’aucune religion. Il ne se prononce pour aucun dieu et termine son sonnet non pas par une prophétie (ce mot est suivi d’un signe typographique explicite v. 11) mais par une image statique (noter l’enjambement v. 12-13 qui allonge la scène), un lieu syncrétique (sybille grecque, visage latin, arc chrétien et paien), un moment d’harmonie entre les croyances. Le mouvement du poème qui va de l’appel

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