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La mendiante rousse, les fleurs du mal, Baudelaire

Par   •  27 Septembre 2018  •  1 732 Mots (7 Pages)  •  984 Vues

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Baudelaire choisit une forme complexe : strophes composées d’heptamètres et de vers de quatre syllabes (retour très fréquent de la rime, les vers étant particulièrement courts, d’où une matière sonore très dense : musicalité du poème — donner qqs ex.).

II – Une muse typiquement baudelairienne

A – Une « muse malade »

Cf. sonnets VII et VIII dans « Spleen et idéal », pp. 65-66.

« Fleurs maladives », « muse malade », « jeune corps maladif » (vers 6, en harmonie avec un « poète chétif »)… « poète […] débraillé, maladif » dans « Le Tasse en prison »… La maladie est bel et bien une thématique baudelairienne récurrente. Chez Du Bellay, la muse s’enfuit du poète, elle lui devient étrangère (sonnet 6, p. 77 dans votre édition des Regrets : « Et les muses de moi, comme étranges, s’enfuient ») ; chez Baudelaire, une étape supplémentaire est franchie, avec des muses malades et vénales.

— Allusions à la relation charnelle dans le poème (éléments physiques évoquant la séduction, sous-entendus, etc.) : faites un relevé. Par ex., les vers 22-23 qui associe les « péchés » (le mal) aux « beaux seins, radieux / Comme des yeux » de la mendiante — on se souvient aussi de l’importance des yeux dans la poésie baudelairienne, cf. « Une martyre »).

Evidemment, on pourrait aussi parler des connotations de la rousseur (symbolise le diable…).

B – De l’être de chair à l’être imaginaire

A l’origine du poème : une jeune fille bien réelle, qui inspiré d’autres artistes, comme Emile Deroy (cf. tableau ci-dessus), Banville, ou Pierre Dupont (eh oui, c’est un poète — médiocre — ami de Baudelaire) qui a écrit « La joueuse de guitare » en référence à la même jeune fille.

Cependant, par les échos que cette mendiante rousse suscite dans l’ensemble du recueil, il paraît évident que l’intérêt du poème n’est pas simplement de rendre hommage à une personne qui a marqué des jeunes artistes fréquentant des lieux peu recommandés (cf. cadre urbain avec l’allusion ironique de la strophe 12)… Ainsi, l’être de chair (rappelons l’omniprésence de la sensualité et du registre érotique dans ce poème) devient, par l’écriture poétique, un être imaginaire, une « muse malade », en quelque sorte recréée par la volonté du poète (poète « chétif », mais néanmoins poète et véritable créateur). La créature prend forme dans le texte (cf. fin du commentaire de « Une martyre » : l’articulation créateur/créature) grâce à la volonté du poète, c’est-à-dire la puissance de son imagination. Les notions de « volonté » et d’« imagination » sont fondamentales dans l’esthétique baudelairienne : elles sont caractéristiques de ce qu’il appelle le génie et le tempérament (cf. texte compl. à ce sujet). Or, dans le premier poème des « Tableaux parisiens », « Paysage », le poète évoque justement sa « volonté » qui lui permet de créer tout un monde, alors même qu’il se trouve dans sa chambre, les volets fermés, sans regard sur le monde extérieur : de la même façon, la « mendiante rousse » est le fruit de « l’imagination créatrice » (expression que Baudelaire emploie dans ses Essais critiques) du poète.

Grâce à cela, on peut comprendre certaines tournures syntaxiques du poème, qui paraissent étranges : « Au lieu de… », « En place de… » (vers 13 et 17) indiquent que le poète substitue ce qu’il imagine à la réalité. Ensuite, il commence les strophes 6 et 7 par des subjonctifs à valeur injonctive : « Que des nœuds mal attachés / Dévoilent… », « Que pour te déshabiller / Tes bras se fassent prier… » (c’est bien l’expression de la volonté). C’est bien dans ces passages que le personnage réel devient personnage fictif, qui n’a d’existence que poétique…

C – La mendiante : une image de l’imperfection du poème baudelairien

La poésie de Baudelaire, d’une manière générale, est à l’image de cette mendiante : imparfaite, étrange, bancale, et belle à la fois. C’est dans ce paradoxe que l’on peut appréhender la modernité de Baudelaire, modernité qui s’affirme dès ces années de formation (rappelons que Baudelaire a une vingtaine d’années quand il rédige le poème).

On a déjà parlé des rapports entre Baudelaire et Gautier… Gautier emploie l’image du « cothurne étroit », qui renvoie aux contraintes formelles du poème… Cf. vers 11 dans « A une mendiante rousse ». Or Baudelaire préfère les « sabots » aux « cothurnes », c’est-à-dire, si l’on pense aux connotations, la lourdeur au raffinement. Dès lors, on peut se demander s’il ne parodie pas Gautier. Cela paraîtrait contradictoire, étant donné la dédicace des FDM, mais Baudelaire entretient toujours des rapports ambigus avec ses « maîtres » (il en est de même en ce qui concerne ses relations avec Hugo).

Ainsi, Baudelaire choisit certes une forme poétique contraignante, mais les contraintes qu’il s’impose ne rendent pas le poème beau au sens classique : c’est une beauté étrange, associée à la maladie, à des défauts que certains pourraient trouver repoussant (Cf., dans les Essais critiques : "Le beau a toujours quelque chose de bizarre"). A l’image des sabots, le poème de Baudelaire avance de manière quelque peu chaotique, maladroite (cf. association des vers pairs et impairs, utilisation de rimes uniquement masculines dans un poème qui fait l’éloge d’une femme qui imposerait plutôt des rimes féminines, plus douces).

Enfin, le poète est à l’image de son oeuvre : il n’a plus la noblesse des Anciens et traite la jeune fille avec désinvolture

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