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El desdichado - Gérard de Nerval

Par   •  5 Juillet 2018  •  2 002 Mots (9 Pages)  •  615 Vues

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En premier lieu, on constate que le poète perd son identité et veut peut être même la détruire. En effet, l'écrit poétique commence par un pronom personnel sujet « je » plutôt affirmé qui est paradoxale au vue de la suite du texte, où il semble partagé, hésitant. On voit d'ailleurs bien cette hésitation de part les conjonctions coordination « ou » et « ou » vers neuf, affirmant la perte de ses repères. D'autre part, il ne peut même plus se définir en un seul terme et est obligé d'utiliser une énumération pour se qualifier lui-même : « Je suis le Ténébreux,- le Veuf,-l'Inconsolé »(v.1).

Ensuite, on peut observer qu'il se livre, sans doute déjà sous l'emprise de la folie, à un dialogue intérieur. Cette polyphonie se traduit par des tirets en pleins milieu des vers un et trois, par des phrases à l'impératif (« Rends-moi »(v.6)) mais aussi par des sommations, avec des pronoms personnels accentué à la deuxième personne du singulier (« Toi qui m'as consolé »(v.5)). Ce grand changement de personnalité est peut-être symbolisé par une oxymore métaphorique : « Soleil Noir »(v.4), qui évoquerait la fin d'un monde : celui de l'écrivain poétique.

Il va même jusqu'à changer de cadre spatial ,en passant de la France et l'Italie, . On le voit grâce à un champ lexical ésotérique du pays latin : « Pausillipe »(v.6), qui est désigne un promontoire surplombant la baie de Naples et où le poète antique Virgile, auteur des Enéides, aurait été enterré; « Pampre »(v.7), qui désigne la vigne ; « la mer d'Italie »(v.6).

Le mysticisme romantique correspond à une dépersonnalisation : le poète perd son identité pour atteindre le divin.

Tout au long du poème, on peut remarquer que le narrateur se compare à plusieurs personnages de part sa quête d'une nouvelle identité pour peut-être recommencer une nouvelle vie, après la terrible épreuve que constitua la perte de son épouse. On peut d'abord observer la comparaison que De Nerval fait entre lui et des personnages des mythologies, par le biais d'une première question de rhétorique : « Suis-je Amour ou Phébus »(v.9).. Cette divinisation est le parfait exemple du mysticisme romantique. Le narrateur se sent sans doute proche ou dû moins se reconnaît peut-être en le fils de Vénus, déesse de l'amour et en Phébus, le dieu de la beauté et des arts dans la mythologie latine, et ce même si cette comparaison est assimilable au péché d'hybris. Là encore, on peut percevoir cette relation ambiguë métaphorique entre l'amour (Jenny) et les arts (Gérard de Nerval). Puis, on remarque que l'évocation de l'univers médiéval est très développé. En effet, il se compare au « Prince d'Aquitaine », qui n'est autre que Edward de Woodstock, fils de Edouard II et roi d'Angleterre jusqu'en 1327. Il était également surnommé « le prince noir » car il incarnait, allégorisait la dévastation. Puis, il se compare également, par une autre question de rhétorique à « Lusignan ou Biron »(v.9).D'une part, Il faut savoir que Lusignan désigne un comte de Poitou , devenu Roi de Chypre et dont l'écrivain est sure d'être le descendant. D'autre part, il est important de rapprocher ces deux noms d'un roman anglo-saxon de Walter Scott : « L'Ivanhoé », dans lequel il est question d'un noble chevalier, destitué de ses terres et de son armoirie. En sachant que le poète pensait être noble, on peut penser qu'il se retrouvait dans l'identité et le vécu de ce chevalier, auquel on a enlevé son honneur et ses racines. Là encore, par prolongement du mysticisme romantique, on comprend qu'il est à la recherche de nouveaux repères, qu'il trouve notamment dans le passé et dans son environnement intellectuel. Il fait d'ailleurs encore une fois une référence moyenâgeuse avec les mots : « Tour »(v.2) ; « Soleil »(v.3), possédant une double signification puisqu'ils désignent également des arcanes de Tarot.

Pour finir, on notera une opposition entre une forme poétique classique et des innovations au niveau du langage poétique. En effet, ce poème est un sonnet, qui est une forme somme toute classique de poème, écrit en alexandrin et ayant un schéma rimique constitué de rimes croisées et embrassées. En outre, on peut distinguer quelques fantaisies dans l'écriture du texte. Le titre « El DESDICHADO », signifiant « le malheureux, le déshérité », est en espagnol, comme si le poète ne pouvait mettre de mots sur ces maux. Il faut aussi remarquer l'ajout de majuscule au début de noms communs, peut-être pour souligner leur importance dans la compréhension des enjeux et intérêts principaux de l'oeuvre (« Pampre[...]Rose »(v.8) ; « Tombeau »(v.5)). Enfin, il perturbe la syntaxe par des anacoluthes, normalement proscrites dans la poésie classique car ne visant pas à perfectionner les vers : « j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron »(v.12). On peut interpréter l'ensemble de ces procédés comme une volonté de créer une nouvelle identité, cette fois çi littéraire, en se distinguant des normes du classicisme.

On peut donc dire que l'écrivain cherche, selon ce poème, a se forger une nouvelle identité soit par ses connaissances intellectuelles soit en voulant bouleverser les règles d'écriture.

Au fil de ce commentaire, nous avons d'abord établit les raisons et origines de ce bouleversement identitaire, de part un romantisme omniprésent. La présence d'un lyrisme intense, l'omniprésence du « moi » et le parallèle avec un symbole de ce mouvement littéraire sont là pour étayer cette thèse. D'autre part, on peut penser que Gérard de Nerval a fait face à la folie, qui le gagnait et le gangrenait peu à peu, en tentant de se créer une nouvelle identité et un nouvelle univers intellectuelle pour se préserver. Malheureusement, cette même folie l'emportera en 1855.

Il est aujourd'hui considéré comme une figure majeure du romantisme noir car il avait pour particularité de savoir convertir sa souffrance et son désordre mentale en poésie. D'ailleurs certains surréalistes, dont André Breton le considéreront longtemps comme précurseur du mouvement surréaliste, peut être la présence d'un registre fantastique assez développé pour l'époque.

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