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Dom Juan, scène d'exposition

Par   •  13 Février 2018  •  1 390 Mots (6 Pages)  •  462 Vues

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propose un discours très construit, ayant la forme d’un raisonnement même si celui-ci est totalement absurde.

Il s’oppose d’abord à ses adversaires, « Aristote et la Philosophie » et réfute ainsi leur thèse, puis annonce la sienne (« il n’est rien d’égal au tabac »), renforcée par une maxime en alexandrin blanc, qui assure à sa phrase un caractère solennel : « et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. » L’emploi du présent de vérité général donne au discours une portée universelle. De plus on observe une structure symétrique (chiasme) dans cette phrase faisant correspondre les termes vit / vivre - sans / pas digne.

Sganarelle expose ensuite ses arguments, qu’il ordonne par valeur croissante (« non seulement […] mais encore […] et […] ») : « le tabac purge le cerveau » ; « il instruit les âmes à la vertu », « il rend honnête homme » et les renforce par une question rhétorique (« Ne voyez-vous pas bien … »)

Enfin, il conclut triomphalement (« tant il est vrai que le tabac … ») et prouve ainsi qu’il a démontré sa thèse.

Ainsi, si la fonction de ce prologue est d’aiguiser la curiosité du lecteur /spectateur et d’ancrer la pièce dans la comédie, cet éloge du tabac annonce aussi de façon allusive la dimension subversive de la pièce.

III. UNE ANNONCE DEGUISEE

En effet, le rapport du prologue à la pièce ne se limite pas à cette fonction d’ancrage dans la comédie. De façon allusive ou détournée, l’éloge du tabac annonce la thématique du libertinage et la dimension subversive du héros.

1. Une admiration cachée pour son maître

Admirateur malgré lui de son maître, Sganarelle parodie l’éloquence avec laquelle Dom Juan fera l’éloge des vices réprouvés par la société et cherche dans le même temps à se montrer supérieur à Gusman.

De plus, il propose par son éloge paradoxal du tabac, un éloge évident du plaisir car même s’il prête des vertus morales au tabac, celui-ci a pour seule finalité le plaisir. Ainsi, sa défense du tabac apparaît déjà comme une défense déguisée de la conduite de son maître.

2. Une critique implicite de la religion

En outre, le tabac à priser ou à fumer faisait l’objet de controverses à l’époque de Molière : considéré comme un remède par certains médecins, son usage était condamné par les dévots de la Compagnie du Saint Sacrement.

Rappelons que les dévots viennent de faire interdire Tartuffe lorsque Molière écrit et met en scène Dom Juan. Ainsi, dès les premiers mots de sa pièce, Molière annonce par ce biais sa volonté de braver à nouveau ses ennemis.

La polémique porte également sur les valeurs morales et l’idéal de l’ « honnête homme » : en faisant du tabac la source des « sentiments d’honneur et de vertu », Sganarelle ridiculise d’emblée ces valeurs qui seront bafouées par le héros libertin qu’est Dom Juan.

3. Un éloge déguisé de la comédie

Par ailleurs, l’éloge du tabac pourrait aussi s’entendre comme un éloge déguisé de la comédie. L’allusion, apparemment ridicule à Aristote, peut nous mettre sur cette voie : Aristote est l’auteur de la Poétique dont les principes régissaient la dramaturgie classique. Le public de 1665 pouvait donc entendre l’objection de Sganarelle (« Quoi que puisse dire Aristote et la Philosophie… ») comme une revendication de liberté du dramaturge à l’égard des règles qui définissent le théâtre. De même, l’expression « Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertus » est une allusion à la théorie aristotélicienne de la catharsis tragique. Pour lui, et pour les auteurs classiques du XVIIème siècle, seule la tragédie permet la mise en place d’une catharsis qui purge les passions. La comédie est alors considérée comme un genre mineur, destiné à un public grossier et peu cultivé. Or Molière, revendique la noblesse de la comédie, qui doit tout à la fois « plaire et instruire ». (cf document complémentaire)

Conclusion

Ce début de scène d’exposition déroge aux règles du théâtre classique et surprend ainsi le spectateur par son originalité. Par cet éloge paradoxal du tabac, proche de la parodie burlesque, Molière affiche non seulement sa volonté d’ancrer la pièce dans un registre comique, mais également de mettre en avant son caractère provocateur. Derrière son aspect décalé et surprenant, ce prologue affirme le caractère polémique d’une pièce écrite en réponse à l’interdiction, par les dévots, de jouer Tartuffe.

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