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Dissertation lettres: lien entre auteur et personnages dans le roman

Par   •  4 Septembre 2018  •  3 392 Mots (14 Pages)  •  699 Vues

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de [notre] propre vie ».

Par ailleurs, si Danièle Jouve prends clairement position en tant que lectrice, on ne peut nier que l’auteur en plus d’être créateur est un lecteur à part entière de sa propre œuvre. De la même manière qu’il n’y a pas de roman sans personnage et pas de personnage sans lecteur, il n’y a pas de personnage sans écrivain. Nous pourrions même aller plus loin en disant que le romancier devient lui-même un être imaginaire puisqu’il est le géniteur de son personnage. Effectivement, nous remarquons une différence grammaticale notable ; si l’on parle « du » personnage vis-à-vis du lecteur, on parlera au contraire de « son » personnage vis-à-vis de l’auteur. En fait, il va mettre inconsciemment et consciemment un peu de lui dans cet être de papier, et il va ainsi passer par le même parcours initiatique que le lecteur : être plongé dans une réalité fictive, puis ressentir avec lui ce qu’il ressent et enfin analyser les sentiments pour se comprendre lui-même. On attribue sans véritable certitude la phrase « Madame Bovary, c’est moi – d’après moi » à Flaubert ; si on ignore la légitimité de cette phrase, elle n’en paraît pas moins pertinente. Effectivement, Emma Bovary apparait sur certains points comme le double féminin de Flaubert. Même si Flaubert a écrit son roman sur le mode de l’impersonnalité, c’est-à-dire en voulant faire disparaître toute trace de l’auteur, des similitudes entre lui est son personnage éponyme apparaissent inévitablement. Parmi eux, la vie à la campagne normande, le ressenti de l’insuffisance de la vie, la virilité d’Emma… Une part de Flaubert semble transparaître de Madame de Bovary, tout comme une part de Madame Bovary semble transparaître de Flaubert. Si le lecteur devient lui-même au travers du personnage, il arrive dans certains cas que ce soit l’auteur qui soit lui-même au travers de son personnage.

Le processus d’identification au personnage, c’est vivre l’histoire de son personnage en s’abandonnant à lui pour finalement apprendre à se connaître soi-même. Néanmoins, ce processus n’est pas possible avec tous les personnages de roman existants. Effectivement, parfois l’auteur joue de cette détestation qui peut naître entre le lecteur et le personnage. Lire Madame Bovary, c’est percevoir la quête effrénée d’une femme à la recherche du bonheur et de l’amour car gangrénée par les lectures romantiques entreprises lorsqu’elle était au couvent. On ne peut s’identifier à cette femme mariée qui s’ennuie et qui va finalement être anéantie par ses aspirations, car le jugement va prendre la place de l’identification. Mais parfois, ce n’est pas à cause d’une mise à distance du lecteur vis-à-vis du personnage que le processus ne s’opère pas. S’identifier à des héros demi-dieux est quasiment impossible : on ne se reconnaît pas dans la perfection de leur âme, de leur être et de leur paraître car nous sommes des êtres humains avec des vices, des pulsions, des passions, des failles. C’est le cas de la littérature du XVIIème siècle qui, héritière de l’antiquité, va idéaliser les personnages. Ainsi, ces personnages vont faire rêver le lecteur, et les deux n’auront absolument rien en commun.

Mais nous devons-nous aussi nous interroger sur notre rapport personnel aux personnages ! En tant que lectrice, je ne parviens à m’identifier à un personnage que si ce dernier se trouve dans un univers réaliste. Il m’est dès lors impossible de procéder au processus d’identification à proprement parlé si je lis un roman fantastique par exemple. En effet, il ne s’agit pour moi pas d’une identification au sens de Danièle Sallevane mais d’une contemplation et d’un fantasme vécu par procuration – la troisième instance de Vincent Jouve. Lire les aventures de tel ou tel héros aux superpouvoirs m’hisse au rang de spectatrice, et ma lecture se limite au stade du divertissement sans identification avec le héros de l’intrigue. Néanmoins, si ces romans ne permettent dans mon cas pas l’identification au personnage, ils font naître en mon esprit des réflexions sur le monde dans lequel je vis. C’est le cas dans le livre d’Orwell, 1984 : je ne m’identifie à aucun des personnages et je me contente de les suivre, de les observer en essayant de comprendre qui ils sont, ce qu’ils font, leur point de départ et leur point d’arrivée. Ce roman m’a fait accéder à un autre monde qui s’apparentait en réalité au monde humain. L’illusion du réel réside finalement dans cette allusion au réel et à ses dérives. Et lorsque je me plonge dans ce monde étrange et fictif, j’arrive à me construire une image du monde réel, celui dans lequel je vis et évolue. Or en m’interrogeant sur le monde humain, je m’interroge aussi sur ma place au sein de la condition humaine: quelle est ma place dans ce monde ? Quelle est ma condition ? Suis-je en décalage avec lui ou bien suis-je en totale adéquation avec ce qu’il est ? Ai-je une attitude attentiste ou bien vais-je changer les choses si choses à changer il y a ? Finalement, sans passer par le processus d’identification au personnage, j’arrive à m’interroger sur mon identité en passant par l’identité du monde actuel. Cette réflexion est impulsée par les personnages eux-mêmes, car même si je me place comme contemplatrice, ils apparaissent à mes yeux comme des éducateurs qui de par leur différence vont élargir mes horizons : je m’interroge sur ce qu’est l’Homme en général. En somme, l’identification au personnage n’est pas nécessaire pour la quête de notre identité en tant qu’Homme et de celle de notre société, car lire c’est aussi penser l’humanité dans sa globalité. Nous pourrions aussi prendre comme exemple l’œuvre de Cervantès, Don Quichotte qui est justement un texte de fiction proposant une lecture et une réflexion sérieuse sur le monde dans lequel on vit. On ne s’identifie pas directement au personnage mais il y a par sa contemplation une réelle étude de l’Homme dans tous ses aspects. Finalement, le lecteur n’est pas attentiste et va partir en quête de son identité en tant qu’individu dans une collectivité, en tant que personnalité unique, car comme le disait Milan Kundera, « un rideau magique tissé de légendes était suspendu devant le monde, Cervantès envoya Don Quichotte en voyage et déchira le rideau. Le monde s’ouvrit dans sa nudité comique de prose ».

Si nous venons de penser le lecteur par rapport aux personnages, la littérature peut parfois les faire disparaître. Dans Le livre du voyage de Bernard Werber, nous sommes en tête à tête avec le livre qui devient pour nous un ami et compagnon de papier, il

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