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Commentaire littéraire Etienne de La Boëtie Discours sur la servitude

Par   •  10 Février 2018  •  2 498 Mots (10 Pages)  •  1 156 Vues

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Ensuite, il convient de s’intéresser plus particulièrement à la figure du tyran en insistant sur le côté monstrueux qui se dégage du portrait qui est fait de lui. En effet, l’aspect monstrueux et immoral est mis en valeur dans le discours et cela grâce à de nombreux procédés. Relevons pour cela la présence d’un vocabulaire péjoratif pour désigner les actions de celui qui se considère comme le maître « assouvir sa luxure » ligne 21 « « mignarder » et « se vautrer » ligne 25. Les vices du tyran sont ici dénoncés et l’accusation prend même une tournure religieuse au travers des termes « convoitises » ligne 24, « luxure »ligne 22, « délices », « plaisirs » ligne 25 qui rappellent certains des péchés capitaux évoqués dans la Bible. En outre, le tyran est aussi accusé d’être prêt à tout pour assouvir son désir de suprématie et de conquête. On peut ainsi relever la métaphore de la ligne 23 « pour qu’il les mène à la boucherie » qui accentue l’idée de monstruosité du tyran qui envoie à la guerre les enfants du peuple. Cette monstruosité apparait également dans la transfiguration qui est faite de lui des lignes 10-11 à travers des métonymies « deux yeux », « mains », « un corps ». Ici, La Boëtie souhaite faire du tyran une sorte de monstre suprême ayant pouvoir sur toutes choses. Nous avons montré ici quels sont les effets pervers d’un pouvoir tyrannique. Nous avons vu au travers de cette seconde partie comment ce discours est un moyen pour La Boëtie de dénoncer les dangers d’un pouvoir tyrannique et les vices auxquels le tyran ne peut échapper dans cette position. Nous allons maintenant voir que ce discours dénonçant la tyrannie est un aussi un moyen pour La Boëtie d’affirmer les valeurs humanistes qui traversent son époque.

Dans une troisième partie, nous allons montrer que ce discours est une affirmation des valeurs humanistes plaçant l’homme au centre de tout.

Tout d’abord, c’est un appel à la dignité humaine que lance La Boëtie dans ce texte. En effet, les humanistes accordent une grande importance à cela et La Boëtie va montrer que la soumission à un tyran est incompatible avec les valeurs humanistes.

Pour persuader le peuple à réagir, L’auteur utilise l‘analogie avec des animaux. On peut voir cela à la ligne 2 « que les bêtes elles-mêmes ne sentiraient point ou n’endureraient point ». Ici, le peuple est rabaissé à l’état de bête et même considéré comme étant plus soumis qu’un animal. L’analogie se poursuit avec le terme de « bride » ligne 26. Ce terme qui désigne ce qu’on met autour du cou de l’animal pour le guider, le diriger fait ici référence au pouvoir abusif, asservissant du tyran sur le peuple. En effet, celui-ci est prisonnier du pouvoir du tyran qui le guide à sa guise. En ayant recours à cette analogie, La Boëtie cherche à montrer l’idée de contre-nature représentée par la servitude en mettant en avant l’amour de la liberté naturelle. Par ailleurs, cet appel à la dignité humaine se manifeste également dans l’utilisation des impératifs des lignes 30-31 « soyez donc résolus », « ne le soutenez plus ». Ici, l’auteur tente de faire réagir le peuple en lui montrant que ce n’est par sa seule volonté qu’il regagnera la liberté. D’ailleurs l’antithèse de la ligne 30 « soyez résolus à ne plus servir et vous serez libres » concourt à cette idée. Nous avons bien vu ici que la servitude est un principe contre-nature et que la liberté du peuple ne dépend que de lui.

Ensuite, nous pouvons dire que ce discours est le moyen pour La Boëtie d’amener une réflexion sur le pouvoir. En effet, alors que jusqu’à présent le jeune écrivain ne s’était pas engagé formellement, dans le dernier passage du texte, le pronom personnel « je » apparait. Il désigne clairement La Boëtie. Il utilise un verbe de volonté « je ne veux pas que » montrant ainsi combien cela lui tient à cœur. D’ailleurs, on observe également cela à la ligne 4 où la modalité exclamative est utilisée pour montrer l’indignation qu’il éprouve à l’encontre d’un peuple qui n’accepte de se soumettre que par sa propre volonté. En fait, plus la servitude est grande, plus le pouvoir du tyran est abusif. Le bonheur du tyran va donc dépendre du malheur du peuple. Si le peuple veut accéder au bonheur il faut qu’il se libère. C’est pourquoi, La Boëtie utilise l’impératif « soyez résolus »(tournure qui s’apparente presque à une maxime), « ne le soutenez plus » pour inciter le peuple à le faire. Mais, il ne souhaite pas que la violence se fasse dans le sang comme le montrent les propositions subordonnées complétives « Je ne veux pas que vous le heurtiez ni que vous l’ébranliez » lignes 31-32 : pour l’auteur, il s’agit de prendre conscience de sa servitude pour enfin espérer s’en libérer. De plus, la comparaison finale « comme un grand colosse » (comparaison qui est d’ailleurs également un pléonasme visant à exagérer la puissance du tyran) suivie de la coordination de verbes « tomber » et « se briser » montrent bien combien le pouvoir du tyran est fragile et que le simple fait de le remettre en cause peut mener à sa perte. Les allitérations en labiales B et P servent à accentuer le côté solennel de cette prise de conscience qui doit être opérée par le peuple. Nous avons montré ici que ce texte entraine une réflexion sur le pouvoir et que cette question est au cœur des problématiques humanistes de l’époque.

Pour conclure, on peut dire que le discours sur la servitude volontaire est un appel à la désobéissance. Le principe est éminemment provocateur mais La Boëtie le fait de façon subtile. Il va dénoncer les tyrans cruels dans un réquisitoire virulent afin d’amener une prise de conscience d’un peuple qu’il estime responsable de son malheur. Mais là n’est pas son seul but, il souhaite également, et il fait preuve de ce fait d’une maturité exceptionnelle, engendrer de par son discours une réflexion sur le pouvoir qu’il considère comme étant abusif par essence. Du moment qu’un homme se dit être le maître et que des milliers d’autres se soumettent c’est déjà un fait contre-nature en soi. Cela nous rappelle Rousseau et sa théorie de l’état de nature qui montre bien comment la liberté a été chassée à partir du moment où un homme a voulu montrer sa domination sur d’autres. On retrouve également cette idée dans Le Prince de Machiavel.

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